Ces doux dingues de Nouvelle-Zélande remercient, pour leur pop féconde, Claude Debussy et la Juventus de Turin. Avant qu’Abel Tasman un navigateur hollandais pas trop dégourdi qui demeure célèbre pour avoir accompli un tour complet de l’Australie sans jamais en avoir entrevu les côtes ne l’aborde en 1643, la Nouvelle-Zélande s’appelait Aotearoa […]
Ces doux dingues de Nouvelle-Zélande remercient, pour leur pop féconde, Claude Debussy et la Juventus de Turin.
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Avant qu’Abel Tasman un navigateur hollandais pas trop dégourdi qui demeure célèbre pour avoir accompli un tour complet de l’Australie sans jamais en avoir entrevu les côtes ne l’aborde en 1643, la Nouvelle-Zélande s’appelait Aotearoa le Pays du Long Nuage Blanc. C’était une sorte de paradis arborescent à la luminosité déconcertante, un territoire encore vierge arpenté par une faune étrange, ainsi qu’une poignée de Maoris mastards qui s’empressèrent de rejeter l’impudent Batave et son équipage à la baille. Depuis, le temps a passé, mais le mystère reste entier. A Aotearoa, il y a toujours des Able Tasmans pour mouiller au large des contrées mythiques de la pop australe, sans pour autant pactiser durablement avec les indigènes de cette terre à fantasmes. On sait tout de la rigueur des groupes néo-zélandais, de leur propension au rationnement instrumental, au dépouillement puritain de chansons qui ne gardent le plus souvent que la peau sur les os. Rien de tout cela chez les Able Tasmans. Quand ils ne convoquent pas cornemuse, cornet ou quatuor à cordes au studio, les Able Tasmans enregistrent des disques foisonnants dans les locaux d’un hôpital psychiatrique désaffecté. Ce qui ne dispense pas ces doux dingues d’une érudition pluridisciplinaire pour le moins intrigante : sur le livret de leur album précédent, le fécond Somebody ate my planet, les Able Tasmans remerciaient pêle-mêle Claude Debussy et la Juventus de Turin, et exhibaient, on se demande encore pourquoi, la photographie clinquante d’un Johnny Cash à l’andropause triomphante. Déphasés, décalés en marge, définitivement. De Londres au New Jersey, depuis les fantaisies d’aristocrates pince-sans-rire chères au Monochrome Set jusqu’au bonheur discret cultivé avec mélancolie par Speed The Plough, on a toujours affiché un gros faible pour ces groupes buissonniers qui décalquent le chagrin du matin sur les espoirs du soir, qui s’amusent volontiers de leurs déboires et s’attristent avec entrain des petites joies du quotidien. Au panthéon personnel, les Able Tasmans la curiosité la mieux préservée de Nouvelle-Zélande ont la grosse cote. Pour ces pères tranquilles de l’aventure pop, le cul bien calé dans leur rocking-chair, chaque chanson est une épopée en chambre ouverte aux quatre vents : à la mousson de guitares humides succède le zéphyr d’un piano bienfaiteur, puis la brise presque imperceptible de voix mixtes et enchevêtrées, et encore les bourrasques d’un orgue vif. Pas étonnant dans ces conditions que Store in a cool place tangue comme un bateau ivre, puis dérive longuement sur des eaux inouïes, si loin et si proche du Pays du Long Nuage Blanc. Là où croisent ces galions chargés d’or qui règnent sur les plus belles discothèques.
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