La réédition et sa version acoustique 2007 d’un chef d’oeuvre pop des années 80.
Les miracles n’arrivent pas qu’aux bonnes sœurs parkinsoniennes ayant envoyé un mot doux à Jean Paul II. Paddy McAloon, chanteur et songwriter de Prefab Sprout aujourd’hui en retraite, souffre tel un Icare pop d’une quasi-cécité pour avoir trop longtemps joué avec la lumière au travers de chansons qui s’y reflétèrent pour mieux nous éblouir. Aveugle et barbu à faire peur (ou pitié) façon Moondog, Paddy n’est donc plus le fringant jeune homme qui chevauchait vingt ans plus tôt la Triumph Bonneville (de La Grande Evasion) sur la pochette de Steve McQueen, le second album de Prefab Sprout.
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Pourtant, au cours de l’été 2006, le McCartney de la génération 80 est revenu en studio taquiner son fantôme. Avec une guitare en nylon, un harmonica et presque rien d’autre, il a couché des versions acoustiques de neuf titres de Steve McQueen, qui agrémentent aujourd’hui le second CD d’une édition deluxe de l’album original publié en juin 85. Un bonus de rêve, qui tient donc du miracle tant cette voix de porcelaine n’a pas pris un voile, au point d’en raconter toujours à celle d’un Sufjan Stevens, tant ces arpèges en cheveux d’ange ne semblent en rien tressés par les doigts gourds d’un grabataire. Au-delà d’une simple madeleine aux parfums anachroniques, pour ceux qui connurent ces Bonny, Goodbye Lucille # 1 ou When Love Breaks down du temps de leur éclatante jeunesse, ces effeuillages tardifs confirment leur parfaite conservation, leur chair ferme et leur peau veloutée, leur jouvence éternelle.
Pour s’en assurer, on réécoute dans la foulée les originaux, ce Steve McQueen qui symbolise l’acmé juvénile d’un quatuor alors en pleine vigueur, coiffé par un cinquième homme au nom de sorcier du digital, Thomas Dolby, qui aura réussi l’exploit paradoxal de vitrifier cet album dans son époque ? claviers et beats cinglants, bouffées de chœurs synthétiques ? tout en l’embaumant d’un indémodable cachet.
Héritier de maîtres en harmonies sophistiquées, les Brian Wilson, McCartney ou Paul Simon qui veillent sur ces merveilles, McAloon l’était autant de plumes plus anciennes, les Gershwin ou Cole Porter d’un autre temps que celui de la pop-music, et qu’il ait réussi à transporter et faire revivre de telles références dans le contexte le plus hostile qui soit ? les années 80 ? n’est pas la moindre des gageures relevées par ce disque inusable. Pour toutes ces raisons, Paddy McAloon mérite amplement une canonisation.
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