On est allé en Ecosse pour vérifier à quel point le leader des Pastels fait bouger les lignes de son pays.
Le 23 juin 2016, 62% des Ecossais votaient à contre-courant du reste du Royaume-Uni pour rester dans l’Union européenne et relançaient ainsi le débat sur l’indépendance de leur pays. L’Ecosse soulignait alors une nouvelle fois sa singularité culturelle, elle qui, tout en se fondant dans la masse britannique, n’a jamais renoncé à ses traditions, aussi folkloriques soient-elles. Et la musique ne fait pas exception. Avec leurs cornemuses et leurs danses traditionnelles, les Highlands ont le pouvoir de nous projeter instantanément dans un épisode grandeur nature de la série Outlander – formidable plaisir coupable télévisuel sur fond de révolte jacobite. Mais la musique écossaise est loin de se limiter à quelques (beaux) joueurs de pipeau en kilt et ce n’est pas la ville de Glasgow qui va nous contredire. Belle & Sebastian, The Jesus & Mary Chain, Primal Scream, Teenage Fan Club, Camera Obscura, Chvrches… On ne compte plus les artistes originaires de cette cité post-industrielle au charme que l’on qualifiera poliment de discret.
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Glasgow, underground résistance
Si nombre d’entre eux ont préféré s’exiler à Londres pour signer sur de prestigieux labels indés (Franz Ferdinand chez Domino, Hudson Mohawke et Rustie chez Warp…), d’autres ont fait le choix de rester dans leur ville natale, qui a su développer ses propres infrastructures pour soutenir sa scène musicale et attirer de nouveaux talents. Si Postcard Records (Josef K, Orange Juice) et Chemikal Underground (Mogwai, Arab Strap) ont montré la voie dès les années 80, c’est aujourd’hui une myriade de micro-labels hyperactifs, souvent initiés par les artistes eux-mêmes, qui prouve qu’il n’est pas nécessaire de s’en remettre à l’ autorité anglaiss pour se faire connaître hors des frontières british : Rock Action (créé par Mogwai), LuckyMe (le collectif de Hudson Mohawke), les références électro Numbers et Optimo Music… Les initiatives ne manquent pas.
A force de projets communs, tout ce petit monde finit par graviter autour des mêmes lieux, parmi lesquels le mythique Sub Club, le disquaire électro Rubadub, ou encore le café-concert 13th Note.
Stephen McRobbie, légende tranquille
Stephen McRobbie, leader du groupe légendaire The Pastels et figure emblématique de la scène glaswégienne, a ainsi créé il y a quelques années Mono, un espace polyvalent abritant à la fois un disquaire rock (Monorail), une salle de concert, un délicieux restaurant vegan et un bar avec des DJ sets tous les soirs. Monté en collaboration avec Craig Tannock, le propriétaire du 13th Note, Mono a été conçu à l’ancienne, comme un « espace municipal ou une bonne bibliothèque publique ». A l’origine, un désir commun et un besoin essentiel d’ « avoir des infrastructures locales permettant de créer un contexte favorable à la naissance de grandes créations artistiques. Ou peut-être parfois pas si grandes » ironise McRobbie.
« Nous mettons la communauté au cœur de ce que nous faisons. Glasgow a une communauté artistique et musicale forte, qui s’entrecroise et se rencontre autour de lieux tels que Monorail et Mono. »
Egalement fondateur du label rock Geographic, Stephen a su s’entourer d’une belle équipe de couteaux suisses : son associé Dep a son propre label de grassroots Watts of Goodwill, Eilidh joue dans le duo punk Sacred Paws signé chez Rock Action, Michael fait partie de trois groupes et dirige le label Night School… « Tous ceux qui travaillent ici sont aussi impliqués dans la communauté musicale locale d’une autre manière. Nous essayons de nous soutenir les uns les autres. «
Une équipe multitâche et soudée, donc, qui a su faire de Mono un lieu de rencontre et de partage, sans aucune velléité branchouille et où les familles se mêlent joyeusement aux étudiants :
« Ici nous détestons l’élitisme et nous voulions un vrai mélange social et un espace accueillant ».
Une ligne de conduite engagée qui a fait de Mono l’un des centres de gravité de la vie culturelle weedgie et qui caractérise parfaitement une scène artistique « ouverte d’esprit, qui se soutient et accepte à contrecœur de se faire peu d’argent avec tout ça« . Depuis plus de trente ans, Glasgow compense son âpreté architecturale par une scène culturelle vibrante et solidaire, qui n’a besoin de personne pour subvenir à ses besoins, mais reste avide d’échange et d’ouverture, à l’image d’une Ecosse qui n’a jamais vécu ses revendications identitaires comme un repli sur soi. « S’impliquer, observer, être là – c’est une question d’amitié, de politique égalitaire et de construire quelque chose pour l’avenir « , analyse McRobbie. Des valeurs capables de renverser n’importe quel Brexit.
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