Stephen Malkmus, ancien leader de Pavement, était en concert au Café de la Danse le 14 avril avec son nouveau groupe, The Jicks. L’occasion de se réconcilier avec ce songwriter hors-pair dont le dernier album, Pig Lib, nous avait un peu laissé sur notre faim.
De Pavement, groupe essentiel des années 90, au même titre que les Pixies pour les années 80, on reste fan transi. Comment un groupe aussi peu soudé, où régnait une anarchie débordante, pouvait à ce point se jouer des concepts si rigoureux de la chanson pop ?
En l’espace de cinq albums et autant d’incontestables réussites, le groupe mené par Stephen Malkmus et ses sbires d’alors (Mark Ibold et Bob Nastanovich entre autres) s’amusa à démonter toute organisation sensée de sa musique pour finalement la remonter à coup de délires psyché-noise et d’éclaircies pop inoubliables. Toujours sur le fil, les morceaux de Pavement tenaient debout par on ne sait quelle alchimie secrète qui rend encore aujourd’hui la musique du groupe si inimitable.
Lorsque Malkmus, en pleine crise d’ego, lâcha Pavement pour repartir à zéro, on lui fit confiance, tant Pavement était un peu son joujou, son espace de liberté. Son premier album solo éponyme, sorti en 2000, portait les mêmes mimiques laid-back que le dernier album de Pavement, Terror Twilight, et un ton plus franc et direct, révélateur d’une certaine maturité dans l’écriture autrefois épileptique du monsieur.
Malkmus introduisait également son nouveau groupe, The Jicks, cette fois-ci parfaitement relégué au second plan. Stephen Malkmus & The Jicks : le nom même de cette association symbolisait l’aboutissement de la démarche d’un songwriter qui souffrait de ne pas être reconnu à sa juste valeur. Malheureusement, The Jicks, ce groupe sans véritable génie malgré une bonne tenue, faisait regretter les anciens camarades de jeux de Malkmus et leurs concassages ludiques.
L’avenir nous donna cependant tort : sorti le mois dernier, Pig Lib, deuxième album de Stephen Malkmus & The Jicks, découle cette fois-ci d’un véritable travail de groupe, la première fois depuis longtemps que le roi Malkmus laisse d’autres mains toucher à la sacro-sainte intégrité de ses chansons.
A ce titre, Pig Lib marque une évolution notable dans sa carrière même si l’album déçoit au final, par son lot de titres un peu faibles et l’impression tenace d’entendre une machine qui tourne à vide.
Malgré cette déception, il était impossible pour nous de rater le concert que le groupe donna le 14 avril au Café de la Danse parisien. Un concert qui nous fit comprendre tout le plaisir que le groupe a pris à composer, jouer et enregistrer ce Pig Lib.
En effet, ces nouveaux morceaux, joués à l’unisson par un groupe dont chaque membre en possède les clefs, seront ainsi interprétés le sourire aux lèvres, malgré la complexité des arrangements tirés en partie de l’écoute intensive de certaines musiques progressives des années 70.
On se régalera ainsi, bien plus que sur disque, de l’écoute de ces Water and A Seat, Us ou autres Dark Wave. Lorsque le groupe s’attèle à revisiter les pop-songs sympathiques de son premier album, le c’ur n’est par contre plus vraiment là, l’interprétation peinant à s’élever au-dessus de la simple et mécanique retranscription.
Très en forme, Stephen Malkmus fera le pitre tout le long du concert, alternant poses de rock-star et mimiques comiques, le tout saupoudré de cette nonchalance qui a toujours fait son charme. Malkmus l’indolent nous fait penser dans ces moments-là à Jonathan Richman, un autre grand pitre de la chanson américaine.
Le reste du groupe semble également s’amuser : le batteur John Mohen passablement éméché, échangera sa place avec Malkmus à la fin du concert avant de mettre sa tête dans un sac en plastique (véridique), la jolie Joanna Bolme se fera discrète derrière sa basse tandis que l’anxieux Mike Clark alternant guitare et synthés, se révélera un parfait alter ego de Malkmus.
Witch Mountain Bridge et 1% of One, les deux aires de jeux de Pig Lib qui s’éternisent en longues dérives hypnotiques où Malkmus, devenu brillant guitariste avec le temps, assure le spectacle, seront les sommets de ce concert qui nous a final réconcilié avec ce musicien pas comme les autres.
A l’instar de Yo La Tengo (attendu en concert début juillet à Paris), Stephen Malkmus nous a démontré que le poids des années n’a pas de prise sur ces vétérans d’une certaine scène rock alternative américaine.