La reformation de Pavement passée, Stephen Malkmus revient avec ses Jicks fin août avec un nouvel album intitulé Mirror Traffic et produit par Beck : interview du bonhomme.
As-tu considéré l’écriture de Mirror Traffic, assez différent de Real Emotional Trash, comme un challenge ?
Pas vraiment, non. Je voulais simplement, encore une fois, m’éloigner des trucs trop lourds, et des successions de solos : je l’avais déjà trop fait dans le passé. Je savais comment Mirror Traffic ne sonnerait pas, mais je ne savais pas comment Mirror Traffic sonnerait.
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Et la présence de Beck ? L’avez-vous choisi ou vous a-t-il choisi ?
C’est lui qui nous a choisis. Il m’avait écrit il y a deux ans, en me disant qu’il était désormais producteur, et qu’il voulait bosser avec nous si on était d’accord. J’ai répondu pourquoi pas, mais je n’étais pas très sûr de moi : c’est pour moi toujours un peu effrayant de travailler avec quelqu’un, même si c’est un ami et même si on apprécie son travail. On ne sait jamais quelles idées la personne va avoir, si elle va essayer de t’imposer une méthode que tu n’aimes pas, et je n’aurais pas aimé entrer en conflit avec quelqu’un que j’aime. Au final, ça a été génial. C’est un type génial, il bosse comme un fou, il fait tout pour qu’on donne le meilleur de nous-mêmes.
Tu le connaissais personnellement ?
Un peu oui. Je l’avais croisé en tournée, j’avais passé une nuit chez lui en Californie après un concert solo. Mais ensuite, je ne l’ai pas vu pendant une bonne douzaine d’année, il a disparu de mon univers comme j’ai disparu du sien. Nous n’étions tout simplement plus dans le même monde. Il essayait de devenir un artiste majeur, à l’époque d’Odelay ou de Sea Changes, avant de connaître certaines désillusions, de se frotter au monde des majors… D’une certaine manière, je crois que son travail de producteur est pour lui une manière de renaître de ses cendres, du moins de revitaliser son art. Il a aussi enregistré Thurston Moore, que je connais assez bien depuis l’époque de Lollapalooza, et parce que Mark Ibold fait maintenant partie de Sonic Youth. Et je crois qu’enregistrer avec Thurston Moore fait partie du même schéma de « revitalisation ».
Il était fan de Pavement ?
Oui. Il ne connaissait sans doute pas vraiment les Jicks, il n’avait sans doute pas le temps d’écouter nos disques de toute façon. Mais il était fan de Pavement, comme je suis fan de certains de ses albums. Mon écriture a sans doute influencé la sienne, quand il était un jeune homme. Mais oui, il est fan. Il n’arrêtait pas de me dire « Tes mélodies sont géniales ! J’adore tes paroles ! » ; c’est la partie étrange du travail de producteur, tu dois en permanence dire des choses gentilles aux gens avec qui tu bosses… (rires)
Qu’attendais-tu de son travail ?
Je ne sais pas. Je ne pouvais pas attendre de lui qu’il fasse aussi bien que pour Charlotte Gainsbourg : je n’avais alors pas encore écouté son album. Je n’attendais rien de spécial, les choses ont pris forme quand on a commencé à les faire. Il nous a laissé faire, la plupart du temps, pendant les quelques jours qu’ont pris l’enregistrement –une ou deux fois, il nous demandait de jouer telle partie un peu plus lentement, ou d’essayer de changer de mise en place. Il a surtout supervisé le mixage, décidé de quels effets mettre et ne pas mettre, il est très bon pour ça, et il préfère l’économie à la profusion. Il était également très patient avec nous, c’est son côté californien, très relax… « C’est bon, pas d’inquiétude, on fera ça plus tard »… Il a beaucoup joué sur ce qui était hi-fi ou lo-fi sur Mirror Traffic, on n’arrêtait pas de passer de Pro Tools à des bandes analogiques, en allées et retours. Il a changé un peu le rythme d’une ou deux chansons, il a également fait en sorte que les paroles et le chant restent les plus crus possible. Il bosse énormément sur le mastering, qu’il fait faire et refaire et encore refaire. C’est une obsession chez lui. Il peut le faire cinq, sept fois ; je crois que ça a été le cas avec Charlotte Gainsbourg. Je ne l’ai jamais fait plus de deux fois… Beck a surtout une grande influence sur le son final des albums. Ce qui, aujourd’hui, est selon très important. La plupart des productions modernes sont de plus en plus compressées, c’est ce que les gens veulent, ils veulent pouvoir jouer la musique plus forte, et c’est ce qui passe mieux sur les iPhone, sur les écouteurs, sur les petites enceintes d’ordinateur. Ca peut aller sur une chanson, mais pour l’oreille c’est épuisant sur la longueur.
Vous l’avez enregistré chez lui ?
En partie, oui. Mais il a vendu sa maison, donc son studio, qu’il a déménagé à Malibu. Un quartier magnifique de Malibu, d’ailleurs. Cool mais pas trop ; il paraît qu’Anthony Kiedis se ballade tout le temps dans le coin dans sa voiturette de golf, et que Kid Rock y a aussi emménagé… Et le temps y est incroyable, je n’y croyais pas. Du soleil, des oiseaux, et des jardiniers, tout le temps.
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