L’icône incontournable du rock indé des années 1990, Stephen Malkmus, délaisse les Jicks pour s’offrir une parenthèse électronique, marquée par sa nonchalance lo-fi.
En mai 1980, Paul McCartney publie son second album solo, le très logiquement nommé McCartney II. Quelques mois plus tôt, l’ancien Beatles est arrêté au Japon pour possession de drogues, un épisode fâcheux qui l’oblige à mettre fin aux Wings. De retour en Ecosse, Macca s’enferme seul en studio, entouré d’une multitude de synthés et d’appareils électroniques, pour concevoir son nouveau projet. A sa sortie, l’album est détruit par la critique, jugé trop expérimental, presque grotesque.
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Les circonstances qui entourent l’élaboration de Groove Denied, le nouveau disque que signe l’ancien leader de Pavement, se révèlent radicalement différentes, de celles de l’enregistrement McCartney II. Pourtant, les deux albums partagent une approche similaire : celle de deux artistes, devenus des icônes grâce à leurs premiers groupes légendaires, partis bidouiller l’électronique dans leur coin pour en extraire des morceaux à l’insouciance jubilatoire. “Honnêtement, je suis plus branché George Harrison et John Lennon pour le côté existentiel de leur musique. Bon, OK, c’est un peu cliché, s’esclaffe Stephen Malkmus à l’autre bout du fil. Mais Paul est un musicien incroyable et j’aime beaucoup McCartney II dans sa manière d’influencer le son du futur.”
Home Studio
Pour la première fois de sa carrière, l’Américain à l’immuable coolitude la joue lui aussi perso et se laisse tenter par l’électronique. Cette démarche, à la limite de l’hérésie, connaissant le passif du slacker de Portland, plutôt habitué aux guitares débraillées, lui est venue lorsqu’il fréquentait les clubs de Berlin, où il résida entre 2011 et 2014.
“La musique se joue souvent seul, là-bas. Tu as juste besoin d’un ordinateur, observe-t-il. De mon côté, je me suis retrouvé privé de musiciens pendant plusieurs mois, alors je me suis lancé en home studio. Je passais des heures sur mon clavier à chercher un truc cool, je construisais des mélodies sans aucune structure… Je n’avais jamais fait ça avant. Et à part ma voix, quelques guitares et un tambourin, tout est entièrement numérique.”
Bientôt culte
L’album Groove Denied offre une collection de titres inspirés aussi bien par la new wave et la musique électronique européenne du début des années 1980 que par le garage et le psychédélisme américain des sixties. Malkmus oblige, les mélodies sont implacables et la nonchalance reste intacte.
“Certains morceaux comme Viktor Borgia me font sortir de ma zone de confort. Ils ont ce côté un peu ringard, presque gênant, s’amuse-t-il. C’était avant tout pour le fun, comme jouer à un jeu et essayer de sortir quelque chose d’excitant. Ça m’a rappelé mes débuts, lorsque je voulais délibérément rendre mon son mauvais. Le lo-fi, c’est juste tenter de créer une atmosphère et je pense que c’est ce que je fais sur ce disque.” Au fil des ans, McCartney II est devenu culte. Groove Denied pourrait suivre le même chemin.
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