Mon premier ressemble à un flyer, mon second à un bout de peinture abstraite, mon troisième à un logo : mon tout est une oeuvre de Stéphane Dafflon.
On trouve dans l’oeuvre du jeune artiste suisse Stéphane Dafflon des peintures aux titres étrangement technoïdes : AST001 pour la première Acrylique Sur Toile, AST002, AST007, et jusqu’à PRPMGE002 (PRojet de Peinture Murale, Genève, n° 2). Des titres où s’entrechoquent des souvenirs de l’Avi 3000, du bréviaire coloré Pantone cher à tous les graphistes, des laques automobiles et autres bidons de peintures industrielles, et des échos numériques de la musique electro. Mais pour l’heure, à quatre jours de son exposition à la galerie Air de Paris, Dafflon prépare une peinture murale extraordinairement intitulée Airless : « C’est le nom du procédé technique que j’utilise pour cette peinture murale, un système industriel pour gicler la peinture, un pistolet à gros débit et qui dégage une brume. En plus, j’ai choisi une peinture synthétique qui dégage une odeur très forte. Pour faire ça, on va devoir s’habiller en blanc, porter des masques. Je pense que ce sera amusant. » Le plaisir de l’art, Stéphane Dafflon l’a connu dans sa jeunesse, à voir travailler le grand artiste suisse Jean Tinguely : « En fait, j’étais son voisin à Neyruz, entre Lausanne et Berne, je suis très ami avec son fils Milan, j’étais tout le temps chez eux. Il avait sa maison et une petite auberge à côté qui lui servait d’atelier. C’était un lieu magique. Je n’ai pas beaucoup plus de souvenirs de cette période, je me souviens juste qu’avec Milan on jouait dans le jardin et que parfois on envoyait des shoots dans les sculptures, mais je le voyais, et j’avais l’impression qu’il s’amusait tout le temps. »
Renouvelant le plaisir de peindre et de voir avec ses peintures techno-industrialo-graphiques, Stéphane Dafflon, 28 ans, s’essaie donc à des jeux sur la perception, évoquant sans cesse les effets visuels des couleurs qu’il conjugue, des compositions abstraites ou des légers décrochages qu’il fait subir aux formes qu’il dessine. « Pour la galerie Air de Paris, je prépare une peinture murale entièrement blanche dans un espace étroit et aux angles arrondis. Ce sera alors une sorte de « white cube » arrondi, dans lequel je vais pouvoir ensuite accrocher plusieurs peintures, mais l’idée motrice est plutôt celle d’une capsule, d’un espace clos, tout blanc, très brillant, avec un éclairage blanc très dur, qui devrait proposer au spectateur une perte des repères. Mais c’est un peu un essai, je ne sais pas encore ce que ça va donner. » Un peu comme dans Star trek ou 2001 : l’odyssée de l’espace, on entre dans la capsule blanche de Dafflon comme pour une expérience visuelle en totale apesanteur. Une sorte de crash-test donc pour cet artiste qui mélange dans ses toiles de nombreux héritages visuels : le graphisme industriel ou techno, la peinture abstraite d’Ellsworth Kelly, Kenneth Noland ou Peter Halley, un design automobile désormais vidé de son idéologie moderniste, les graphiques de surf, la peinture cinétique… Une peinture dérivée de sources multiples, remixée et remasterisée, où l’on croit reconnaître des logos de supermarché, des pochettes d’albums, des fragments d’abstract painting… Et qui aboutit à une forme entièrement hybride, à des peintures parfaitement lisses où n’apparaît aucune trace de pinceau, mélanges troublants d’artisanat et de technologie. Avant de se lancer dans ses peintures, Dafflon procède d’ailleurs à quelques essais visuels sur son ordinateur : « L’informatique, pour moi, c’est juste un carnet de croquis, un lieu de recherches. Avec l’ordinateur, les effets sont plus directs, plus proches aussi de ce que je veux obtenir. Ensuite je me mets à la peinture. » Et quand on lui demande pourquoi revenir encore vers la peinture après s’être aventuré dans le multimédia, Stéphane Dafflon répond juste par le « besoin de faire de la peinture » : « J’écoute tout le temps de la musique quand je travaille, et souvent de la musique electro, comme Ikeda, pour autant je n’ai pas envie d’être un artiste électronique. C’est vrai qu’au début je sentais autour de moi une gêne à l’égard de la peinture, mais je crois que beaucoup d’artistes la pratiquent à nouveau. C’est aujourd’hui un médium parmi les autres. »
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