Promenade du dimanche. Depuis 92, que faisait l’ancienne merveille de la pop anglaise ? Un disque des Sundays, le même pour toujours. Avec Static & silence, on se sent immédiatement à la maison. Dès que la voix entre sur Summertime, on connaît déjà les sentiers sinueux qu’elle empruntera, les croisements où elle rencontrera la guitare, […]
Promenade du dimanche. Depuis 92, que faisait l’ancienne merveille de la pop anglaise ? Un disque des Sundays, le même pour toujours.
Avec Static & silence, on se sent immédiatement à la maison. Dès que la voix entre sur Summertime, on connaît déjà les sentiers sinueux qu’elle empruntera, les croisements où elle rencontrera la guitare, elle-même reconnue au premier clin d’oeil. D’avance, on sait comment la chanson finira et où la prochaine commencera. Et ainsi jusqu’au dernier gémissement de Monochrome. Ça se passe comme ça chez Harriett et David. On entre chez les Sundays parce qu’on s’y sent à l’aise. Le critique, qui aime les angles aigus, les failles et les aspérités, peut rester à la porte. Qu’il attende dehors si j’y suis. Moi, je reste lâchement à l’intérieur. On parlera doucement, avec un groupe qui ressemble à tous les potes de lycée, qui a les mêmes préoccupations que le copain d’enfance, les mêmes rires que les meilleurs amis, la fidélité de tous.
Car dans un monde entièrement dévolu aux artifices, aux poses regardez-à-quel-point-je-suis-extraordinairement-normal ou je-suis-modeste-mais-croyez-moi- je-pourrais-aisément-ne-pas-l’être , les Sundays sont ordinairement normaux, modestement modestes. Boire un verre, causer foot ou Camus, jurer comme de vieux soldats : voilà pour les gencives du mythe de la-grâce-éthérée-du-groupe-virginal. Les Sundays ne jouent pas aux Sundays et leurs deux premiers albums leur ressemblaient naturellement. Rien de plus normal alors qu’ils ressemblent comme des siamois à Static & silence. On entendra çà et là « Ils auraient pu changer un peu. » Demande-t-on à ses amis de se teindre les cheveux en mauve au bout de trois ans, histoire d’égayer une relation dure comme le granit ? Et qu’attendre d’un groupe qui colle autant à sa musique ? Qu’il s’improvise thrash-metal pour amuser la galerie ? Que Harriett se laisse pousser les poils pour singer PJ Harvey ? Qu’il devienne un acte sinistre de cabaret, grimé à la scène, en pantoufles à la ville ? Les pantoufles, c’est le quotidien des Sundays et de leurs chansons. Elles protègent Static & silence des échardes d’un quotidien qui est là, juste sous la semelle, tout comme elles l’empêchent de s’envoler vers l’abstraction. Pas la lévitation transcendantale, mais pas non plus le ras des pâquerettes. Le vol régulier et stabilisé à mi-hauteur celle de l’homme. Toute ressemblance avec des personnages existants ou ayant déjà existé est purement inévitable.
P.-S. : Cette chronique, publiée dans le n° 40 du mensuel Les Inrockuptibles de novembre 1992, était celle de l’album précédent des Sundays, Blind. Elle demeure valable pour le nouveau et le sera probablement pour le prochain. Pas de remixes drum’n’bass. Pas de dub. Les dimanches se suivent et se ressemblent, avec leur immobilité écrasante, leur douce torpeur. Le dimanche est le jour du flâneur.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
{"type":"Banniere-Basse"}