L’artiste était sur la scène du Trianon hier mardi 24 octobre pour présenter son nouvel album, « Masseduction ». Seule. Contre tous.
Il reste des stigmates. Une interview faite il y a presque quatre ans avec l’artiste qui s’était tellement mal passée que le photographe qui nous accompagnait nous avait offert un chocolat chaud après la rencontre, histoire de nous remonter le moral. Elle avait été martiale, laconique. On n’avait précédemment jamais autant ramé contre le sens du vent. On s’est demandé si c’était nous, et puis non. Tout le monde a du mal en interview avec St. Vincent. Preuve en est le sentiment de malaise qui s’est emparé de nous quand on a vu ses récentes vidéos sur les réseaux sociaux où elle se moquait des questions posées par les journalistes, qui ne font malheureusement que leur travail. Et pourtant, portée par la même pulsion masochiste, on a voulu y retourner, re-côtoyer St. Vincent de plus près.
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Parce que Digital Witness était bien et que Masseduction est encore mieux, on s’est donc rendus ce mardi 24 octobre au soir au Trianon, pas plein mais bien rempli, pour assister à la nouvelle messe de l’artiste américaine. Il s’en est passé des choses depuis notre dernière rencontre. Les couvertures des magazines people, les gens qui s’intéressaient plus à sa vie amoureuse qu’à ses talents de musicienne, même de guitar hero. C’est dommage. Et c’est surement en réaction à tous ces comportements indiscrets, cette fascination déplacée, qu’on a assisté hier à une présentation qui se voulait claire et précise : St. Vincent est une artiste, et St. Vincent nous emmerde.
Il a fallu deux jours pour se renseigner sur sa première partie The Birthday Party. Et non, ce n’était pas le comeback du groupe de Nick Cave, mais bien un court-métrage signé Annie Clark, alias St. Vincent, où une mère au foyer se retrouve à devoir planquer le cadavre de son mari pour ne pas gâcher la fête d’anniversaire de sa fille (pourquoi ? On ne sait pas. Si vous avez des éléments de réponse, écrivez à la rédaction qui transmettra).
Quand fut venu son tour, personne d’autre qu’elle sur scène. Pas de musiciens. Pas de scénographie, à part un superbe rideau illustré. Des projections de son visage, en grand. Control freak au possible, on a émis des théories, pensé qu’elle avait peur que ses musiciens fassent des pains, et du coup qu’il valait peut-être mieux qu’elle se débrouille seule. Et cette solitude, bien que froide, bien que perturbante (allons, merde, même Beyoncé est accompagnée par un big band sur scène) était forcément touchante. Avec sa guitare, elle affrontait le public, balançant ses morceaux sans sourciller, sans transpirer, poussée par un sentiment non pas de bien faire, trop facile, mais de mieux faire. Tout était parfait : son set bien rangé (première partie, les anciens morceaux, deuxième partie, les nouveaux), son concert tellement beau qu’on l’aurait cru exclusivement réfléchi pour les posts instagram, son changement de guitare (celle qu’elle a imaginée pour Ernie Ball, évidemment) sur quasi-chaque morceau, ses deux tenues en vinyle sur quoi tout coule et rien ne s’attache.
On ne va pas se mentir : St. Vincent nous a fait peur, encore une fois, même en chantant sa ballade, le superbe New York, à la fin de show. Elle contrôle tout. Elle ne laissera jamais rien passer, à part quelques émotions qu’elle aura précédemment finement ciselées. Elle ne fera aucune erreur. Elle n’a pas le temps pour ça. Mais le pire, c’est qu’on sait qu’on y retournera. Et qu’on prendra encore après, pour s’en remettre, un bon chocolat.
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