Plutôt qu’une collaboration passionnante, une décevante rencontre élève-professeur, révérencieuse et guindée. Une rencontre que l’on rêvait voluptueuse et passionnante, pauvres cons de nous. Il y avait effectivement énormément à espérer de cette union contre nature entre le cerveau d’Eno et les muscles tendus de Jah Wobble, seul bassiste admirable de l’histoire du rock contemporain.Une basse […]
Plutôt qu’une collaboration passionnante, une décevante rencontre élève-professeur, révérencieuse et guindée.
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Une rencontre que l’on rêvait voluptueuse et passionnante, pauvres cons de nous. Il y avait effectivement énormément à espérer de cette union contre nature entre le cerveau d’Eno et les muscles tendus de Jah Wobble, seul bassiste admirable de l’histoire du rock contemporain.
Une basse physique et charnelle, dont on n’a pas fini de mesurer les retombées sur la jeunesse anglaise, de la techno au trip-hop, de la jungle au dub. Une basse repérée aussi bien chez My BloodyValentine que chez Goldie, toujours dans les coups de butoir les plus audacieux, les plus lascifs. La belle aubaine pour Brian Eno, privé depuis des années de l’usage de ses jambes, entièrement aux ordres d’un cerveau lui interdisant tout chaloupement, toute sensualité. Ce n’est pas en enregistrant au salon avec John Cale, en devisant sur Barthes avec Bowie, en apprenant le
situationnisme en dix leçons à ce pauvre Bono qu’Eno allait retrouver la fièvre et l’urgence de ses premiers albums solo. On comptait sur Jah Wobble pour l,ui faire balancer au diable thèses et raideur, l’entraîner loin des galeries et des universités dans les marécages d’un dub poisseux et inconfortable. Que Brian Eno se retrouve en condition de survie, luttant contre lui-même, laminant son confort, petit roi largué à des kilomètres de sa cour insupportable, en pleine jungle. Ainsi donc espérait-on Spinner: combat d’ego – avec, fatalement, défaite et démission d’un combattant – ou émulation magique. Mais trop distingué pour le combat de studio, trop roide pour le dialogue, Brian Eno évitera pourtant le contact physique, en optant pour une lâche pirouette : envoyer par la poste à Jah Wobble des compositions écrites pour le cinéaste Derek Jarman. Ou comment transformer une collaboration à bras ouverts en invitation, formelle et rigoureuse. Chacun à sa place:
Eno construit et Jah Wobble, à l’occasion, décore discrètement, du moment que son travail se limite à l’habillement plutôt qu’à la démolition. Là où on aurait rêvé de tension, d’un choc thermique entre les claviers autoritaires d’Eno et la chaleur éclatante de la basse de Jah Wobble, cette dernière ne fait que des visites furtives et polies, chaussant les patins pour ne pas troubler la cérémonie un rien engoncée du maître des lieux. On aurait pourtant aimé que sa basse vienne semer trouble et danger. Mais sa hardiesse légendaire s’écrase en une timidité prostrée, sa basse oubliant toute témérité pour suivre religieusement un album anodinement plaisant. Une pénible génuflexion qui rappelle les heures noires de l’école ou les têtes brûlées perdaient tous leurs moyens dès qu’ils se retrouvaient en tête à tête avec leurs professeurs.
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