Une sélection salutaire du label de Jack White pour documenter un pan inexploré de la scène musicale de Détroit : le shoegaze.
Il ne vous a jamais traversé l’esprit que si les groupes de shoegaze regardent leurs pompes quand ils sont sur scène, c’est parce qu’ils ont déjà la tête dans les étoiles ? Du côté de Détroit, dans les années 1990, tandis qu’Eminem est sur le point de replacer cette vieille cité industrielle sur la carte et que Jack White n’a pas encore trouvé la formule qui remettra le rock en selle, une poignée de kids romantiques se met à rêver de trips cosmiques.
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Hasard (cosmique, là encore ?) ou coïncidence, à l’heure où nous rédigeons cette chronique, The Jesus And Mary Chain célèbre les 35 ans de Psychocandy (1985), son mémorable premier album. Une formation made in UK qui ne sera pas passée hors des radars des groupes dont les chansons constituent la compilation curatée par Third Man Records, Southeast of Saturn.
Brouillard épais, usines désaffectées et cages de foot rouillées
L’initiative, salutaire, vise à documenter un pan inexploré d’une scène musicale au carrefour de toutes les influences (du rhythm’n’blues de la Motown au hard rock d’Alice Cooper ; des productions de J Dilla au garage rock du MC5 ; de la techno au punk hardcore), pris d’amour pour ce que l’Angleterre a pu produire d’introspectif et grandiose à la fois.
Brouillard épais, usines désaffectées, cages de foot rouillées, telle est la toile de fond de l’écrin où, d’un côté comme de l’autre de l’Atlantique, ces groupes ont grandi, conjurant le sort à grand renfort de pédales d’effets et de mélodies minimalistes et souvent aériennes.
Outre ces accointances d’ordre psycho-géographiques, Southeast of Saturn donne surtout à entendre la richesse protéiforme de ce sous-genre du son de Détroit, marqué aussi par le post-rock brumeux d’Asha Vida (Eskimo Summer), la pop sensible et rutilante de Majesty Crush (No. 1 Fan), les relents indus de Children’s Ice Cream (By the Hand of God), les échos instrumentaux de Windy & Carl (Instrumental #2) ou encore les errances très Death In Vegas de Auburn Lull (June-Tide), qui n’auraient pas détonné sur la bande originale du Lost in Translation (2003) de Sofia Coppola. Le spleen traverse les océans, dans des nuances orageuses qui en font sa richesse.
Southeast of Saturn Third Man Records/PIAS
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