Oubliés de l’histoire, perdus dans l’ombre et perles discrètes, ce sont vingt disques, parmi des millions, qu’amoureux et esthètes se doivent de posséder ou d’écouter. Vous saurez quoi faire de vos étrennes.
COCOANUT GROOVE Madeleine Street
A ne pas confondre avec Coconut Records du magnifique Jason Schwarztman. On ne sait pas grand-chose sur lui sinon que d’après son nom, Olov Antonsson, il doit être suédois. Pour se réconcilier avec les Zombies, écouter la chansons End of the summer on Bookbinde.
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JUSTIN TOWNES EARLE Midnight at the movies
Fils de Steve, élevé à Nashville, porte comme deuxième prénom celui du héros de son père. De bons auspices musicaux donc. Malgré son jeune âge, il a apparemment déjà beaucoup vécu, tournant dans divers groupes et avec son père, prenant quelques mauvaises et destructrices habitudes qu’il dit avoir vaincu pour se concentrer sur le songwriting. Ce qui s’entend dans son folk travaillé, poignant et mélancolique.
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THE FIREMAN Rushes (Juggler Music)
Fin 1998, quatre ans après une première collaboration dissimulée sous le nom de The Fireman, Paul Mc Cartney retrouve Youth pour cet album qui bien plus qu’une lubie ambient de l’ancien Beatle est en réalité un vrai disque de deuil et une bouleversante plongée en spirale dans les affres de la mélancolie. Du fait de l’anonymat voulu, peu ont pu deviner à l’époque qu’il s’agissait d’un adieu à Linda, disparue quelques mois plus tôt et dont la voix revient en boucle sur Palo Verde, enregistrée quelques jours avant son décès en Arizona. Rarement disque de musique électronique se montrera aussi poignant.
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KRIS KRISTOFFERSON A Moment of Forever (Justice Records)
Vous êtes soldat en Irak ou en Afghanistan. Vous regagnez le camp après les combats, heureux d’être encore en vie. Vous vous laissez bercer par ce « Moment d’ Eternité » qui lit dans vos pensées à livre ouvert: la débâcle, l’idéal trahit par ceux sensés l’incarner, l’éloignement, les souvenirs. Tout se charge d’une émotion qui n’appartient qu’aux seuls survivants. Enregistré en 1995, ce disque demeure un tour de force signé par l’un des derniers héros vivant de la Country avec Willie Nelson. Comme son titre le suggère, il n’est pas appelé à vieillir.
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RICHARD LLOYD Alchemy (Elektra-Warner 1979)
Lorsque Television cessa d’émettre en 1978, après deux albums qui constituent des manières de chef d’œuvre du rock new yorkais, ses deux guitaristes ne purent se résoudre à tourner le bouton. Chacun de leur côté, Tom Verlaine et Richard Lloyd retournèrent alors en studio. Lloyd, considéré comme second couteau dans le groupe, surprit alors son monde avec ce premier effort solo infiniment plus attachant que celui de Verlaine avec ses rock ballades tendres et flippées qu’il chante d’une voix maladroite et où frissonnent certains de ses meilleurs solos, entre lyrisme inflammable et pureté de cristal.
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SUBHUMANS Death Was Too Kind (Alternative Tentacles/Differ-ant)
Baptisés sous-hommes, estampillés sous-punk, ces Canadiens furent entre 1978 et 1980 de la première vague d’assaut des groupes de Vancouver. Prémices locales de la genèse hardcore qui secouaient déjà Los Angeles ou Washington, les Subhumans ne négligeaient pas d’adjoindre à leurs sprints destroy la plus aiguisée et impliquée des consciences politiques. Leur basiste Gerry Hannah le paiera cash par quelques années de prison pour ses implications dans quelques actions (directes !) retentissantes. Et c’est logiquement Jello Biafra des Dead Kennedys qui réédite aujourd’hui leurs trois EPs sur son label Alternative Tentacles.
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THE DWIGHT TWILLEY BAND Sincerely The Right Stuff
Avec Big Star, le Dwight Twilley Band aura été l’un des beaux fruits mûri sous le soleil des seventies américaines. Pourtant ni la belle gueule de Dwight Twilley, ni la voix limpide de Phil Seymour, ni même les mélodies parfaites de ce duo originaire de l’Oklahoma, n’auront suffi à le rendre populaire. Espérons que ce premier album, où tout, guitares, rythmes et voix sont le fait des deux membres du groupe, n’auront été odieusement ignorées alors que pour mieux être redécouvertes aujourd’hui. Le single I’m on Fire, est à lui seul un petit chef d’œuvre de power pop, la rencontre élégiaque, et tant attendue, entre Elvis et les Beatles.
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DROP NINETEENS Delaware (Hut/Cherry Red/Socadisc)
Sonic Youth est un modèle électrique indépassable, My Bloody Valentine est sur toutes les lèvres gersées, le shoegazing est une mode tenace, qui fascine des deux côtés de l’Atlantique : peu de choses ont donc changé entre 92, année de la sortie de cet album de romantiques déchiquetés, et 2009, quand il ressort, à l’aise aujourd’hui comme un poisson dans l’eau. Le titre-pharse s’appelle d’ailleurs Your Aquarium – avec une marée noire.
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IT’S IMMATERIAL Song (Cherry Red/Socadisc)
Un merveilleux trésor caché de l’électro-pop anglaise, chainon manaquant entre les fêtes désabusées des Pet Shop Boys et le storytelling mélancolique de Day One. Une musique qui rend heureux d’être triste.
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KEVIN AYERS Confession Of Dr Dreams & Others Stories (Harvest/EMI)
De Soft Machine aux Doors (ils lui offrirent, sans succès, le remplacement de Jim Morrison), la parcours de ce doux excentrique mérite un film. En 1974, recruté par le label de Pink Floyd, cet album grave et méconnu évoque parfois la folie de John Cale – et pas seulement parce que Nico est à bord. De nombreux sessions pour la BBC enrichissent cette réédition.
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SAD LOVERS AND GIANT Epic Garden Music (Cherry Red/Socadisc)
En ce début des années 80, sous le souffle givré de Cure ou Joy Division, l’Angleterre connaissait une sévère période de glaciation. Plus romantiques et sophistiqués que la moyenne des groupes en pardessus noirs, les garçons mélancoliques de Sad Lovers & Giants préfiguraient étonnament Interpol ou White Lies, avec leur psychédélisme affligé et leurs refrains épiques.
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NANCY PRIDDY You’ve Come This Way Before (Rev-Ola/Socadisc)
La musique n’aurait pu être que le hobby, le caprice de cette actrice. Mais avant de s’occuper de sa fille Christina Applegate, il y eut 1968 et deux contributions magiques à la musique : sur le premier album de Leonard Cohen et, surtout, sur le You’ve Come This Way Before, pépite scintillante de folk boroque et de soul psychédélique. Surtout que cette Nancy-ci possédait elle aussi son Lee Hazlewood : Phil Ramone – qui collabora avec Burt Bacharach, et ça s’entend.
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THE ONLY ONES The Only Ones(Sony/BMG)
De manière cyclique, cette merveilleuse anachronie (in the UK) de la période punk revient sur le devant de la scène, poussée par ses héritiers. Il y a quinze, c’était House Of Love qui remettait au goût du jour cette écriture malade et flamboyante : c’est aujourd’hui la génération post-Strokes qui adopte son romantisme déglingué. Les originaux, eux, ne vieillisent pas : ils seront réédités en début d’année, à l’occasion d’une nouvelle reformation.
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TERRY HALL Laugh (Edsel, en import Fnac)
Après son départ des Specials en 1983, le taciturne Terry Hall a connu la gloire (Fun Boy 3) comme l’incompréhension (The Colourfield). Réédité avec de nombreux inédits, ce second abum solo, enregistré en 1997, le voyait collaborer avec son fan Damon Albarn. Il brille surtout par ses reprises (Lennon, Andy Williams, Burt Bacharach) et par une version sublime du I Saw The Light de Todd Rundrgren.
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TOM RAPP Stardancer/Sunforest (Lemon/Socadisc)
Le génial inventeur du folk luxuriant de Pearls Before Swine sortait en 1972 et 1973 ces deux albums avant une longue hibernation. Si Stardancer contient encore quelques belles et complexes envolées psychédéliques, Sunforest s’entête bizarrement, sans grand succès, à marcher dans les clous de la pop.
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LULA CÔRTES Rosa de Sangue (Time Lag Records)
L’an passé, on découvrait, dans un état pas très éloigné de la transe, les volutes psychédélico-tropicalistes de Paêbirú, concept-album 100 % cosmique gravé au début des seventies par deux Brésiliens bien allumés, Lula Côrtes et Zé Ramalho. Le trip continue aujourd’hui avec ce disque solo de Côrtes (1980), qui franchit encore quelques paliers supplémentaires dans le télescopage des genres (acid-rock, ethno-folk, ragas, disco…) et l’embrasement des sens. Le port du casque et de la ceinture est recommandé.
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CHET BAKER & ENRICO PIERANUNZI Soft Journey (EGEA/DG Diffusion)
En 1979, Chet Baker est déjà loin de ses flamboyantes années de jeunesse : sa réputation et sa gueule de camé ont fait de lui un paria aux USA. Mais il peut compter sur quelques soutiens européens de poids, tel le pianiste italien Enrico Pieranunzi, avec lequel il enregistre ce disque solaire et harmonieux : une oasis de sérénité, dans laquelle le trompettiste prouve aussi qu’il est toujours le plus poignant interprète de My Funny Valentine.
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DAVID ARTHUR BROWN Teenage Summer Dream (Zakat)
Beau gosse californien, surfeur junkie, saxophoniste de Beck, star en Russie avec son groupe Brazzaville, globe trotter musical émigré à Barcelone, David Arthur Brown est un roman. Et Teenage Summer Dream raconte la plus belle histoire du monde. Entre Evan Dando et Josh Rouse, cette merveille de pop cosmopolite est a priori réservée au marché russe. Heureusement, David est aussi un peu contrebandier…
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FAURE QUARTET POPSONGS (Deutsche Grammophon/Universal)
L’Ensemble allemand Fauré Quartet s’amuse à revisiter quelques classiques de la pop (et pastiche la célèbre pochette-banane du Velvet au passage) : de Between The Bars d’Elliott Smith à Our Mutual Friend de The Divine Comedy ou Gatekeeper de Feist, le choix des titres est soigné et le résultat élégant.
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MCCARTHY That’s All Very Well But…The Best Of (Cherry Red/Socadisc)
Préhistoire de Stereolab, McCarthy fût embarqué, à son insu, dans la ribambelle de groupes pop à guitares carillonantes de 1986. Pourtant, si le son et les mélodies frétillaient du côté de l’indie-pop, les paroles, elles, démolissaient avec une fureur assez stupéfiante l’Angleterre de Thatcher, pour un mélange de gauchisme et de gaucherie assez bouleversant. Une compilation, agrémentée de titres rares et de session radio, revient sur cette carrière météorique.
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