De la bombe, bébé. En offrant une tribune libre aux vétérans et aux nouvelles têtes chercheuses du hip-hop, le label Rawkus émerveille. Le marché du hip-hop américain fonctionne désormais à deux vitesses : d’un côté le “mainstream” pour les masses et de l’autre “l’underground” pour les vrais amateurs. A l’enseigne d’une myriade de petits labels […]
De la bombe, bébé. En offrant une tribune libre aux vétérans et aux nouvelles têtes chercheuses du hip-hop, le label Rawkus émerveille.
Le marché du hip-hop américain fonctionne désormais à deux vitesses : d’un côté le « mainstream » pour les masses et de l’autre « l’underground » pour les vrais amateurs. A l’enseigne d’une myriade de petits labels indépendants, « l’underground » est devenu synonyme (parfois abusivement) de hip-hop exigeant, créatif et vibrant, qui tout en restant légitimement soucieux de vendre des disques ne vend pas son âme pour autant. Rien d’autre finalement qu’un nouveau label rouge, comme ce lait bio désormais vendu en supermarché avec la mention « vaches nourries au fourrage frais » soit ce qu’on était jusqu’ici en droit d’attendre du lait « normal ». Dans cette catégorie, le label Rawkus s’est imposé en moins de deux ans comme un précieux gage d’excellence.
Ce Soundbombing ii, mixé avec humour par le duo de scratcheurs épileptiques J-Rocc et Babu (des Beat Junkies), reflète l’état d’effervescence d’une scène fraternelle et généreuse, où les échanges croisés sont légion. Ainsi, Common signe avec Sadat X l’hymne 1-9-9-9, premier single parti en éclaireur, alors que Mos Def et Talib Kweli, qui forment à eux deux Black Star, l’entité majeure du label, s’invitent au micro sur six titres en tout, dont les remarquables Crosstown beef (Medina Green), B-boy document (High & Mighty) et Chaos (Talib et Bahamadia). Au rayon coup de poing, Company Flow continue son travail de sape de l’Amérique avec le phénoménal Patriotism, un manifeste d’une férocité et d’une densité que seul Public Enemy pourrait égaler.
A l’autre bout du prisme, l’omniprésent Eminem rivalise avec les meilleurs Tex Avery dans le registre bête et méchant, au coude à coude avec le brutal Stanley Kubrick du prometteur R. A. The Rugged Man. Formidable pépinière de nouveaux talents, Rawkus attire aussi la vieille garde, illustrant à merveille la maxime hip-hop selon laquelle « il n’y a ni vieille ni nouvelle école, mais une seule école : la vraie. » Les vétérans Sadat X et Grand Puba de Brand Nubian, le méconnu Diamond D et surtout Pharoahe Monch, échappé d’Organized Konfusion, le groupe le plus sous-estimé du début de la décennie, font tous un retour remarqué, en se mesurant notamment aux nouvelles fortes têtes Sir Menelik et Shabaam Sahdeeq. Côté révélations, Rawkus dispose désormais d’un tel prestige que tous les excellents groupes repérés en maxi ces derniers mois semblent devoir lui échoir immanquablement. C’est le cas des déjà vénérés Dilated People, dont on suivait passionnément l’évolution chez ABB Records, invités à signer ici le morceau-titre, Soundbombing, avec Tash des Alkaholiks. C’est également le cas de High & Mighty, qui entérinent avec leur nouvelle version de B-boy document un passage inexorable du label Eastern Conference vers Rawkus, où leur premier album est imminent. Phare des indépendants dont la lumière rayonne par-delà les océans (quelques surprises attendent bientôt les Français, son nouvel objectif stratégique), Rawkus est déjà en passe de devenir l’arbre qui cache la forêt combien de splendides compilations telles que Tags of the time n’ont pas obtenu le dixième de la couverture médiatique de Soundbombing ? Prions pour qu’il ne ressemble pas trop vite aux affreuses machines de guerre prédatrices qu’il honnit aujourd’hui.
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