Newk avait choisi de clôturer sa tournée par une date à Pleyel le 1er décembre 2007. Dans une salle chargée d’histoire(s) du jazz, Rollins a « jazzé » pendant plus de deux heures : il n’est pas encore né celui qui lui clouera le bec (de sax).
Concert archi complet, peuplé de mélomanes heureux de trouver un rayon de Sonny pour balayer d’un sax le temps parisien chagrin, tête de chien. Ainsi chauffé à bloc, le public était prêt à bondir à chaque instant pour une standing-ovation, paré à assister au show d’un des derniers dinosaures (non pas du P.S. mais) du jazz. Sonny débarque avec sa dégaine et sa démarche inimitables : une légère claudication, une chemise blanche des plus bouffantes, des inamovibles lunettes de soleil qui lui donnent un côté Ray Charles. Le Colosse du saxophone commence par présenter de sa voix historique les musiciens qui l’accompagnent. Tout le monde se l’accorde à dire, ce n’est pas ce qu’on fait de mieux (actuellement) sur le marché des sidemen (comparé au colossal quartette de Shorter par exemple). Et il faut avouer qu’on attend courtoisement passer leur tour de chorus, trépignant à l’idée de savoir ce que va réserver Rollins en fin de grille (harmonique). Un bon arbitre est un arbitre qui ne se remarque pas : si on l’évoque à la fin du match, c’est pour pointer du doigt une boulette qui relancera à coup sûr le débat sur la vidéo dans le foot. De même, et il le dit souvent, Rollins souhaite avoir derrière lui un groupe qui ne s’écoute pas.
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Mission accomplie : les cinq musiciens mettent parfaitement en valeur le souffle de Rollins tour à tour free, blues, langoureux ou trépidant. A la différence des autres souffleurs de cuivres, Rollins ne s’amuse pas à varier les sax : fidèlement campé sur son ténor, il parvient à lui donner tout un éventail de tessitures. Nul besoin de mettre à la bouche un soprano ou une clarinette, son seul gosier suffit à faire varier son jeu. Et à 77 ans le Colosse ne manque pas d’air : un inaugural Sonny, Please de plus de vingt minutes, un They Say It’s Wonderful des plus charmeurs et baladeurs, un calypso dont il détient jalousement le secret, sans oublier son standard d’Ellington fétiche In A Sentimental Mood. Plus de deux heures de concert, et toujours des notes qui résonnent, des pieds qui battent la mesure, une fois sorti de la salle. Deux heures durant lesquelles les minutes voulaient trop vite s’échapper. C’est le secret des Grands : maîtriser le temps à leur guise.
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