Après dix jours de concerts expérimentaux allant du rock à la techno dans plus de sept hauts lieux de l’underground francilien, le festival Sonic Protest se terminait ce samedi 6 avril. On y était, on vous raconte.
Depuis 2003, le festival Sonic Protest porte chaque année ou presque une foule d’artistes underground pour une série de concerts décalés. Un événement DIY, proche de son public et unique en son genre, qui aura vu passer sur ses affiches des pointures comme Thurston Moore, Cheveu ou encore Deerhoof. « Sonic Protest, c’est surtout un festival de musiques particulières et singulières, explique Arnaud Rivières, co-programmateur de l’événement. Quand on l’a créé, l’idée était de réunir des artistes qui n’auraient jamais joué au même endroit dans un lieu commun, et de les sortir de l’entre-soi créé par la musique expérimentale en démocratisant tout ça. »
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Cirque éclectique
Quinze ans plus tard, pari tenu. Du 22 mars au 6 avril, le festival a réuni plus d’une trentaine d’artistes venus du monde entier pour deux semaines de concerts et d’ateliers, de découvertes et de fêtes. Au programme cette année : les punks français d’Euromillard, les rockeurs de Confusional Quartet, le (très) mystérieux songwriter Jandek, ou encore les hypnotisants France. S’ajoutent à cette longue liste différents ateliers, allant de rencontres autour de la musique brute à une radio expérimentale et collaborative menée par le collectif ∏-Node.
Quoi de mieux pour clôturer en beauté cette édition 2019 que d’investir le Cirque Électrique ? Génial espace du XXe arrondissement de Paris, le lieu accueille depuis 1995 sous son chapiteau et sur sa terrasse des soirées autour du cirque et des musiques électro-punk. C’est ici que Sonic Protest a choisi de s’installer pour sa dernière soirée qui avait lieu ce samedi 6 avril. Et le public du festival, de plus en plus vaste, a répondu présent.
À 19h30, habitués de l’événement, curieux ou encore familles aventureuses se pressent déjà à l’intérieur du bar pour assister à la lecture de L’île de Béton, allongés sur un matelas de coussins. Une aventure longue de plusieurs heures, durant laquelle d’Emma Loriaut conte l’histoire d’un personnage perdu entre paysage bétonné et île déserte. Accompagnant la voix apaisée de la jeune femme, l’artiste Julien Clauss créé une ambiance onirique grâce à son synthétiseur modulaire.
https://julien-clauss.bandcamp.com/album/e-v-z
Talons aiguilles et guitares
À peine le temps de terminer notre verre que les New-yorkaises d’UT font déjà retentir leurs guitares sous le gigantesque chapiteau du Cirque Électrique. Mythique groupe de la scène no-wave des années 1980, Nina Canal, Jacqui Ham et Sally Young s’étaient fait remarquer par leur rock agressif et avant-gardiste avant d’être adoubées par John Peel et The Fall.
Trente ans après sa séparation en 1989, UT s’est reformé et n’a visiblement rien perdu de son énergie. Carrés plongeants, robes à fleurs et bottines à talons aiguilles, les trois femmes ont offert un show survolté, au plus grand plaisir du public s’adonnant avec joie aux premiers pogos de la soirée.
C’est ensuite l’artiste britannique Lee Patterson qui leur succède sur la grande scène pour une expérimentation sonore aussi diverse qu’inattendue, basée sur des sons amplifiés du quotidien ou de la nature. Au même moment, un attroupement se crée autour de la radio ∏-Node Protest pour discuter avec le collectif, crier quelques mots dans un micro ou même participer à une partie de Bonneteau très sonore.
Diva Eraillée
Aux alentours de 22h, c’est au tour de la Française Hermine Demoriane de monter sur scène. Chanteuse, écrivaine et équilibriste, l’artiste est aussi peu connue du grand public que respectée par toute une partie de la scène new-wave. Il faut dire qu’Hermine a notamment collaboré avec Godard, Nick Kent ou encore les Damned. Cette fois-ci accompagnée par quatre musiciens et un rétroprojecteur sur lequel elle affiche ses pensées, Hermine étonne par son chant brut et intuitif. Alors que quelques spectateurs, probablement déroutés par son accent français trop prononcé, quittent la salle, d’autres semblent captivés par cette diva éraillée.
Débarque alors la figure imposante et presque effrayante de Dylan Carlson, pionnier de la musique drone et fondateur du mythique groupe Earth. Dans tous les recoins de la salle, une rumeur se propage : « Il paraît que c’est lui qui aurait vendu à Kurt Cobain le fusil avec lequel il s’est tué !« , explique un festivalier. Loin de toutes ces considérations, le musicien, seulement accompagné de sa guitare, n’a même pas le temps de lancer trois accords que le public semble déjà en transe. La soirée se termine ensuite dans le bar du Cirque Électrique autour du soundsystem bidouillé et fait main du français Blenno Die Wurstbrücke.
Pari réussi pour Sonic Protest qui promettait « un terrain de jeux non balisé » avec « des artistes sortis du radar ou pas encore dedans« . Autant dire qu’on attend avec impatience la prochaine édition !
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