Enregistré sur le paillasson de la mort, un grand album de rock effondré et intime, par SPIRITUALIZED.
Les larmes coulent à flot dans l’oeuvre de Spiritualized : des larmes de coeur brisé, d’amours perdues, d’amitiés irrémédiablement déchirées. Et désormais, ici, les larmes d’un corps épuisé et au bord de l’implosion, de la brisure intérieure. Rien que pour cela, ce Songs in A&E n’est pas juste un album supplémentaire de ce groupe anglais. Il est d’abord un grand disque fatigué, témoignage d’un passage raté vers l’au-delà, puisque Jason Pierce alias J. Spaceman, tête pensante du groupe, a failli récemment mourir et qu’il a composé son album en pensant à ses nuits d’hôpital, aux urgences (“A&E”, en anglais – ce qui veut aussi dire la & mi en français).
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L’histoire, qui fait trembler, accompagne donc le disque avant même qu’il ait été écouté. L’album débute par quelques notes élégiaques qui donnent la fausse impression de planer, alors qu’elles ne font qu’annoncer une plongée, une immersion imminente en pleine détresse intime. Et, au fond, une fois dépassée l’idée de la mort et de la maladie, ce disque s’écoute comme un exorcisme de soi dans lequel Jason se met à nu, laisse sa voix exposée sans effets, sans fioritures, pleine de son âge, de sa détresse : une voix qui s’éraille, se casse, se fait rauque, tente de se ressaisir, mais finit toujours par évoquer quelque chose de sourdement empreint de mélancolie. Et tout ici fait écho à ce sentiment grâce à une instrumentation minimale, parcimonieuse, qui a oublié d’être lyrique ou omniprésente. Elle est juste délicatement enveloppante, portant chaque chanson comme un petit écrin fragile.
Du coup, il y a dans ces morceaux de bout de nuit comme une idée de s’en sortir, mais jamais par la plus grande porte, plutôt par une fente dans le mur. La musique de Jason Pierce cherche ici une rédemption introuvable, à la manière d’un clou rouillé qui voudrait retrouver son éclat originel ou d’un fantôme qui cherche à savoir s’il est encore vivant. Les plus accros à ces chansons de folle tristesse se procureront le single Soul on Fire sur lequel Spiritualized reprend en une version très inspirée le beau True Love Will Find You in the End de Daniel Johnston : entre malades de la vie, on se comprend bien.
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