Avec ce nouveau disque, les quatre musiciens maliens prouvent qu’ils n’ont rien perdu de leur engagement et de leur passion.
Un deuxième album étant toujours la cause d’appréhensions – sera-t-il à la hauteur du précédent ? Témoignera-t-il de nouvelles ambitions ? –, dissipons d’emblée celles que pourrait susciter Résistance. Si Songhoy Blues a écumé les scènes des festivals au cours des deux dernières années, l’énergie de son rock songhaï est la même qu’au temps de ses premiers concerts à Bamako, quand le groupe, tout juste échappé du Nord Mali sous contrôle jihadiste, se distinguait par sa fougue et son engagement.
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C’est d’ailleurs ce qui fait le charme des retrouvailles avec le chanteur Aliou Touré : l’impression que rien n’a vraiment changé depuis cette fois où le jeune homme, encore peu accoutumé aux voyages, découvrait le froid parisien et les effets du décalage horaire. Quelques tours du monde plus tard, les manières de gentleman sont identiques, l’honnêteté toujours sans faille. “Pour le premier album, explique-t-il, on avait beaucoup de pression : on l’a enregistré en cinq jours et c’était la première fois qu’on pénétrait dans un studio. Cette fois, on a eu le temps de choisir les titres, d’écrire soigneusement les textes et d’inviter les personnes qu’on désirait.” Parmi ces invités, un nom prestigieux se distingue : Iggy Pop, dont Aliou a découvert l’intérêt réel pour les musiques africaines, et qui a tenu à apporter son soutien aux quatre musiciens sur le titre Sahara.
L’heure de la résistance
Mais l’essentiel demeure ailleurs, dans cette résistance clamée haut et fort dans chacune des chansons.
“On n’a rien inventé, juste interprété ce qu’on ramasse dans les rues et les taxis, ce qui se raconte dans les trains et les cabarets. Bamako, par exemple, semble fait pour bouger, danser. Mais dans les lyrics, on invite les gens à différencier la vraie vie à Bamako de ce qui apparaît dans les médias, toutes ces mauvaises nouvelles diffusées dans un but commercial. Toujours des attaques, des bombes… Cela a beaucoup affecté la vie des gens. S’il faut décréter un état d’urgence, fermer les clubs et les restaurants, des millions d’emplois vont disparaître. L’économie du tourisme s’en trouve totalement paralysée. Or, le Mali ne vit que de ça. Bamako est donc une forme de résistance. On clame ‘Sortons !’ dans les chœurs parce que les gens en ont besoin.”
Soutenus par les guitares explosives de Garba Touré, beaucoup plus puissantes que sur le premier album, ces messages contestataires offrent un contrepoint réfléchi à l’exultation rock. Dans Voter, Aliou et les siens se placent à contre-courant d’un autre discours officiel, celui qui désigne l’abstentionniste comme un traître à la démocratie :
« Assez de voter, on en a marre. Depuis la nuit des temps, c’est le même refrain qu’on entend : promesses d’emplois, d’écoles, de centres de santé, de paix… Aucune n’est jamais tenue. L’école est toujours paralysée, aucune route ne lie le Sud au Nord. On ne peut pas faire partie d’une nation qui ne s’occupe pas de nous.”
Résistance est donc un album essentiellement politique : il dénonce l’immobilisme calculé, les promesses trahies et les manigances mesquines pour redonner voix au peuple et œuvrer ainsi à son émancipation. En mission, Aliou promet de se montrer sincère jusqu’au bout : “On ne parle que de l’actualité. Si elle s’améliore, on parlera d’autre chose.”
concert le 15 juillet à Paris au festival Afropunk.
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