Le blues est dans leur nom mais c’est bien l’énergie du rock que Songhoy Blues insuffle à la musique du Nord Mali. Premier album et concerts par ici. Rencontre, critique et écoute.
Un premier album est souvent l’aboutissement d’une longue histoire. Dans le cas de Music in Exile de Songhoy Blues, celle-ci tient quasiment du roman d’aventures. Appartenant au peuple songhaï du nord du Mali, Aliou, Garba, Oumar et Nathanael pratiquaient la musique, se connaissaient de vue et se croisaient parfois entre Tombouctou, Diré et Gao, mais sans projeter de fonder un groupe. En 2012, leur vie est bouleversée quand le Nord Mali tombe sous la coupe de mercenaires islamistes décidés à imposer un pouvoir liberticide et à interdire toute activité musicale. Les quatre musiciens abandonnent tout et partent, chacun de leur côté, pour la capitale Bamako.
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“On s’est tous retrouvés à Bamako par accident, raconte Aliou Touré, le chanteur du groupe. On apprenait que telle personne venait d’arriver, puis telle autre. Et de fil en aiguille, on a fini par se retrouver à l’occasion d’un spectacle de mariage.”
Damon Albarn
A l’issue de cette soirée, ils décident de continuer. La rage et la volonté de résister soudent les réfugiés et donnent force et cohérence à leur blues électrique nourri de musique traditionnelle.
“On a commencé à caler le répertoire, explique le guitariste Garba Touré, et on a pu jouer dans les cabarets de Bamako et être suivis par des fans. On a alors eu l’idée d’enregistrer une maquette en partant chez un oncle, Barou Diallo, qui était le bassiste de feu Ali Farka Touré. Il nous a dit : ‘Ecoutez les enfants, vous avez bien travaillé. Mais vous avez assez joué dans les cabarets, il faut maintenant songer à autre chose.’ Et il nous a donné le numéro de Marc-Antoine Moreau, qui venait d’arriver avec la délégation Africa Express de Damon Albarn.”
Séduits, Albarn et Nick Zinner (guitariste de Yeah Yeah Yeahs) participent à la production du morceau Soubour, deuxième titre de l’album Africa Express Presents Maison des Jeunes et premier hit de Songhoy Blues. Ce succès fulgurant étonne encore Garba “Les choses sont allées si vite que ce titre enregistré au studio Bogolan de Bamako a atteint l’Europe avant même d’être diffusé à Bamako !”
Entre Londres et Bamako
L’album est ensuite conçu entre Londres et la capitale malienne. Avant même sa sortie, Songhoy Blues a donné ses premiers concerts en Europe et en Asie, soulevant partout le même enthousiasme. Il en faudrait plus toutefois pour qu’Aliou et Garba perdent la tête :
“Toutes les couleurs ont pris souche en Afrique, rappelle tranquillement Aliou. Le continent noir, c’est le berceau de l’humanité resté à l’état plus ou moins naturel. Certaines choses n’ont jamais bougé, y compris en musique. Le Mali est si riche musicalement qu’il y a encore des trésors qui n’ont pas été découverts. Nous, on est encore à l’état brut, on est les ressources du monde, la matière première.”
Electrique
Gonflé d’énergie juvénile, Music in Exile ne s’offre pas le temps de la méditation : il lui préfère celui de la fête, célébrée à pleins décibels pour signifier l’urgence de vivre pleinement. Avec ses motifs songhaï gonflés en riffs électriques souples et moites et ses refrains repris en chœur comme lors d’une ronde cérémonielle, il distille un charme postadolescent entêtant qui le rapproche des premiers albums de rock’n’roll.
“Ali Farka Touré a rajeuni la musique de nos ancêtres en passant du n’djarka à la guitare, reprend Aliou. Notre devoir est de rendre cette musique encore plus jeune, encore plus vive.”
L’écoute stimulante de Music in Exile le confirme : avec de jeunes musiciens aussi déterminés, l’héritage du grand bluesman de Niafunké est entre de bonnes mains.
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