Aimez-vous Abrams ? Muhal Richard Abrams, acteur essentiel de la modernité du jazz depuis trente ans, poursuit sa magistrale trajectoire. Scandaleusement ignoré des grandes messes festivalières hormis à Banlieues Bleues où il fit une remarquable prestation en duo avec Roscoe Mitchell il y a quelques années , Muhal Richard Abrams, créateur d’espaces sonores, vient […]
Aimez-vous Abrams ?
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Muhal Richard Abrams, acteur essentiel de la modernité du jazz depuis trente ans, poursuit sa magistrale trajectoire.
Scandaleusement ignoré des grandes messes festivalières hormis à Banlieues Bleues où il fit une remarquable prestation en duo avec Roscoe Mitchell il y a quelques années , Muhal Richard Abrams, créateur d’espaces sonores, vient de publier Song for all, un album ambitieux d’une liberté totale et d’une rigueur imparable. Il y a plus d’un an déjà dans ces colonnes, nous avions dit tout le bien que nous inspirait son précédent disque, One line two views. Avec Song for all, nous persistons, signons, récidivons, enfonçons le clou jusqu’à ce que ça rentre.
Avec sept complices de premier ordre, parmi lesquels sa femme, la chanteuse Richarda Abrams, et le tromboniste Craig Harris, Abrams explore toute l’étendue de sa palette. Chacun des huit morceaux qui composent le disque est l’occasion d’une mise en œuvre et à l’épreuve de rapports complexes entre la composition et l’improvisation, entre le soliloque et l’unisson, entre les cuivres et le piano, entre l’acoustique et l’électronique, entre le souffle et la percussion. Tous les titres sont signés par le leader, et l’on pressent derrière ces mondes autonomes une intime connaissance des combinaisons sonores, des fluidités musicales, des froissements de timbres. Rien n’est jamais statique, tout change sans cesse dans ces constructions à l’intérieur desquelles un vent imprévisible souffle le désordre organisé. A peine est-on entrés de plain-pied dans l’abstraction que déjà la figuration fait irruption. Jamais Abrams ne se contente du vieux schéma exposition/improvisation/réexposition. Toujours il invente ses propres chemins, ses propres figures qui nous font passer d’une rive à l’autre sans perdre le fil d’un discours qui embrasse la continuité et la discontinuité.
Tandis qu’au royaume du jazz contemporain règne trop souvent le recyclage éhonté des plans les plus frelatés, voilà une musique qu’on peut visiter et revisiter sans craindre de s’ennuyer. Les pièces magiques de Muhal Richard Abrams sont comme des labyrinthes où régneraient la volupté du développement, la puissance de la transmutation, l’affirmation du chromatisme. Les individualités sont loin d’être en reste sur ces routes collectives semées d’étoiles filantes. La voix de Richarda Abrams dans Song for all, morceau éponyme, l’obsédant drumming de Reggie Nicholson dans Dabadubada, le dialogue subtilement échevelé entre le piano d’Abrams et le vibraphone de Bryan Carrott dans Marching with honor ou le bruissement animal du trombone de Craig Harris dans GMBR sont autant d’événements majeurs dans cette musique qui n’en finit pas d’étendre son pouvoir sur l’espace et le temps…
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