Le grand Will Oldham signe “Keeping Secrets Will Destroy You”, un recueil de chansons qui résonnent déjà comme des classiques.
Sa voix, devenue familière depuis trois décennies, nous transporte vers la préhistoire du folk, nous contant au passage des vérités humaines, matures mais jamais moralisatrices. Si on entend chez lui une musique ancestrale, Will Oldham fait bien partie de notre présent : le prince autoproclamé est depuis longtemps devenu le roi du folk américain moderne.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Le Sufjan Stevens de Carrie & Lowell avait osé marcher sur ses plates-bandes, mais Will Oldham reprend possession de ses terres avec Keeping Secrets Will Destroy You, magnifique recueil de douze morceaux qui deviennent instantanément des classiques de 2023.
Une intimité s’installe en quelques accords
Le quinqua du Kentucky a élaboré ce disque dans son quartier général de toujours, Louisville. La liste des musicien·nes et de leurs instruments (mandoline, violon, claviers, saxophone…) laisse présager une artillerie lourde, mais il n’en est rien.
Au contraire, les arrangements restent d’une discrétion exemplaire, élégamment placés par petites touches, presque en retrait, pour constituer une corolle aérienne autour du noyau dur – à savoir Will Oldham lui-même, son timbre de voix bouleversant et sa guitare touchée par la grâce.
Comme chez les monuments du genre (Neil Young en tête), la magie opère en un clin d’œil, une intimité complice s’installe en quelques accords gratouillés à vif, en une phrase d’introduction à la fois laconique et dévastatrice.
Un merveilleux grand huit
Le titre nous prévient que garder des secrets détruit, mais ce sont en réalité ces chansons d’une beauté mélancolique qui sont de véritables armes de destruction massive, provoquant des tempêtes d’émotions sous leurs atours simplissimes – impossible de sortir indemne de Crazy Blue Bells ou de Rise and Rule (She Was Born in Honolulu), deux sommets d’un album qui en regorge.
Citons aussi l’époustouflant Blood of the Wine, ritournelle alternant entre lumière apaisante et spleen redoutable, qui nous happe à la gorge quand vient le pont – un hululement haut perché qui prend par surprise et déchire l’âme en mille morceaux. Quel toupet, quelle traîtrise de se présenter ainsi à nous avec des folk songs en apparence aussi modestes que dénudées ! C’est un merveilleux grand huit où se succèdent moments de sérénité et bouleversements introspectifs.
Keeping Secrets Will Destroy You (Domino/Sony Music). Sortie le 11 août.
{"type":"Banniere-Basse"}