Echappé du désert et installé à Paris, Josh T. Pearson, ancien leader
des Texans de Lift To Experience, revient avec un folk écorché et épuré. Critique et écoute.
« Qu’est-ce que j’ai fait, déjà… Euh, je crois qu’à ce moment-là je me suis marié… Je ne sais plus vraiment ce qui s’est passé ces dix dernières années. C’est flou dans ma tête. Comme après un accident de voiture.” Josh T. Pearson n’a pas eu d’accident de voiture. Il a simplement eu du succès avec son trio texan Lift To Experience, auteur en 2001 d’un double album devenu mythique, The Texas- Jerusalem Crossroads.
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Mais voilà : quand la plupart des jeunes groupes seraient prêts à vendre mère, père et petite copine pour un carton, Josh T. Pearson n’a pas supporté la notoriété naissante de sa formation. “Vendre des albums a été la pire chose qui pouvait m’arriver. Ça m’a perturbé. J’ai découvert que j’étais incapable de faire quoi que ce soit d’artistique ou de créatif à partir du moment où ça impliquait les salaires de personnes extérieures. Travailler pour un label qui veut vendre des disques, je ne sais pas faire ça.”
Lift To Experience explose donc en plein décollage, et c’est dans un bled perdu au fin fond du désert texan que le musicien part se réfugier. Il vit seul, ne parle à Pearson, déprime méchamment. Pour payer son toit et sa nourriture, il enchaîne les petits boulots manuels (“Je soulevais des trucs”) et, de temps en temps, joue des chansons pour les cow-boys du coin dans la vieille église du village voisin. “Ces années ont été dures. Mais je ne sais pas parler de la douleur. Ce dont je me souviens, c’est que j’étais triste et en colère.”
Les saisons passent, et le fils de pasteur délaisse l’Amérique pour l’Allemagne. A Berlin, Pearson continue à jouer de la musique chez lui, sans jamais rien enregistrer. “Je connaissais bien le mec du tabac, le mec de l’épicerie et le mec du kebab, c’était déjà pas mal.” Quelques allers-retours entre l’Allemagne et le Texas, un mariage et une séparation plus tard, Pearson s’installe à Paris. Nouveau chapitre de ce scénario improbable, il s’implique dans la vie culturelle d’une crêperie du XIe arrondissement, West Country Girls, y donne des concerts et collabore avec des artistes comme H-Burns ou Bosque Brown.
Mais le déclic a lieu lors d’un concert donné en Irlande : bouleversés par les folk-songs tristes et oniriques de Pearson, deux costauds du public encouragent le musicien à enregistrer un disque à l’issue de la prestation. “Ça m’a touché car c’était des gros gars, presque des brutes. Alors je me suis dit d’accord, si ça touche ces types, je vais enregistrer des chansons à nouveau.” Fruit de cette décision, Last of the Country Gentlemen réunit sept folk-songs qui semblent n’en former qu’une – quatre, d’ailleurs, dépassent les dix minutes.
Moins chaotique que le parcours de son auteur, la musique de Pearson est à classer non loin de celle de Bonnie Prince Billy (Sweetheart I Ain’t Your Christ) ou des premiers Joseph Arthur (Sorry with a Song). Ecorché, épuré, c’est un disque de cow-boy mélancolique, qui pleure dans sa barbe et souffre dans ses santiags. “Je me suis acheté mon premier sweat à capuche récemment. C’est plus confortable pour la vie à la ville. Peut-être qu’un jour je serai un mec avec un smartphone et des applications dessus.”
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