L’Australien Ben Lee réédite, en excellente compagnie, l’exploit de son merveilleux Grandpaw would : à moins de 20 ans, il signe un deuxième classique de power-pop sans power. Tout ce qu’on sait de Ben Lee, c’est rien de plus. Conspiration du silence depuis son premier album, le toujours adoré Grandpaw would, l’un des albums les […]
L’Australien Ben Lee réédite, en excellente compagnie, l’exploit de son merveilleux Grandpaw would : à moins de 20 ans, il signe un deuxième classique de power-pop sans power.
Tout ce qu’on sait de Ben Lee, c’est rien de plus. Conspiration du silence depuis son premier album, le toujours adoré Grandpaw would, l’un des albums les plus honteusement oubliés par l’histoire officielle des années 90. Un album où un jeune homme à peine échappé des carnages de l’adolescence le petit Australien avait usé son acné dans le punk-rock débonnaire de Noise Addict s’invitait lourdement à la maison, où il allait devenir un intime inusable, le remplaçant tant attendu d’un Jonathan Richman qui commençait à se déplumer pour avoir trop servi (pour les joies, pour les peines, le vieux modèle avait largement donné). Après un tel coup d’éclat largement digne du Beautiful freak d’Eels, voire du Mellow gold de Beck , l’affaire paraissait entendue : un songwriter de cette trempe, comme on n’en découvre qu’une poignée par décennie, était fatalement appelé aux plus hautes destinées. On allait enfin savoir comment ce morveux aux textes désarmants avait fini à Chicago chez le parfait Brad Wood, comment il avait réussi à convaincre la pourtant radine Liz Phair de lui prêter plusieurs fois sa voix, comment il avait réussi à faire tourner la tête des Beastie Boys, qui l’avaient immédiatement enrôlé sur leur label Grand Royal. Alors que sort le nouveau Something to remember me by, précédé d’aucune rumeur, d’aucune hystérie pourtant de rigueur ici, on n’en sait mystérieusement pas plus sur Ben Lee. Mais d’autres en savent assez pour se presser sur cet album qui, comme son prédécesseur, attire un prestigieux club VIP : outre le désormais fidèle Brad Wood, outre les claviers géniaux de Money Mark, outre un Beastie Boy en visite de chantier, on entend aussi comme chez Beck, ce n’est pas un hasard les filles instruites de That Dog, soit la branche féminine et bordéliquement gracieuse de la famille Hayden (un frère dans Spain, un père exemplaire). Ce que l’on entend, surtout, c’est que Ben Lee a grandi. Fini l’époque où, sur la pochette d’un premier album, il racontait comment il avait réussi à se faufiler entre Sidney et Chicago pendant ses vacances lycéennes pour y chanter ses tourments de préau. Ce n’est plus La Boum, c’est boum dans la gueule : « Si tu étais là, je te cognerais sans compter. » Que le lecteur de Bourganeuf se rassure : Ben Lee ne s’écrit pas encore Billy Idol. L’Australien a certes vieilli, mais il avait du retard sur la décrépitude : toujours moins de 20 ans et déjà deux albums indispensables, impensables au compteur. On ne peut donc pas s’empêcher de sourire lorsque Ben Lee se lance dans un bilan de vie, dans une révision formidable des cent mille coups de blues : « Quand j’étais petit/J’étais le meilleur de ma classe/J’étais mon propre instituteur/J’aurais pu être un athlète/Mais j’ai gâché mon temps/A gratouiller ma guitare » ou « A 18 ans, j’en ai plus vu que beaucoup de gens dans une vie entière/J’ai enregistré mon coeur sur deux albums. » On a énormément cherché, maladivement écouté : pas un mot en dessous de ce seuil d’excellence, pas de baisse de régime dans ce registre de la tendre amertume, du doux cynisme. Avec vraiment peu d’effets une guitare sèche à l’éducation bâclée, une voix plus à l’aise dans la conversation privée que dans le bel canto, un groupe aux prouesses modestes , Something to remember me by ne s’autorise pourtant aucun jour de relâche, grand ouvert quatorze titres sur quatorze (ses plus faibles moments évoquent le meilleur Billy Bragg, pour vous donner une idée de l’altitude à laquelle on joue chez Lee). Certes, on pouvait préférer Ben Lee quand il recevait dans la chambre exiguë et bordélique de Grandpaw would, entre les posters des Ramones et les tablatures faciles des Lemonheads, entre l’intégrale des Pixies et les trente volumes de La Glorieuse épopée des Modern Lovers on était certes plus à l’étroit, mais aussi reçus plus intimement, plus chaleureusement, avec ce que l’on appelle dans les bed & breakfast cosy « l’accueil personnalisé ». Car le gamin de Grandpaw would T-shirt vert ado et trogne ébahie d’avoir reçu son disque du père Noël s’est acheté un costard, une chemise de chez La Classe et une guitare accordée. Mais s’il peut maintenant parler aux adultes sans mettre de talonnettes, Ben Lee n’en est pas pour autant devenu un barbon, un songwriter diplômé, officiel, décoré par Q Magazine. A côté de cet album à la fraîcheur vérifiable par thermomètre, même la power-pop des Fountains Of Wayne ou de Ben Folds Five qui lui rend visite sans même se donner la peine de convoquer l’électricité prend des rides, du bide. Inutile de préciser qu’on devrait, comme son nom l’indique, se souvenir longtemps de Something to remember me by.
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