Gonzales aime prendre des risques : se faire haïr de son public, sauter du rap au piano solo, passer pour un pantouflard ou un paria. Aujourd’hui producteur de Birkin ou Katerine, l’ancien outsider sort « un disque d’élite », qui renoue avec l’opulence des seventies.
En quasiment huit ans, depuis son premier album Gonzales Uber Alles, on a vu Gonzales en entertainer grotesque, en rappeur dégénéré, en compagnon foutraque des délires de Peaches… On l’a vu prendre les risques les plus cinoques, tout tenter pour se faire haïr de son public et, en retour, s’amuser à haïr son public. Puis on l’a vu, nouveau masque et pas le moins rigolo, en pianiste (réellement) virtuose et (pas vraiment) sérieux sur le magnifique Solo Piano. Il surjoue le sérieux et les gens comprennent, enfin, que Gonzales est un grand : on s’arrache désormais le Canadien. Avec son copain Renaud Letang, il multiplie les productions. Depuis 2004, il a produit Birkin, a refait une santé
à Katerine, a écrit pour Feist, a atteint un sommet de crédibilité hype en vendant ses services à la nouvelle star Christophe Willem. Le personnage d’outsider atrabilaire, misanthrope et monstrueux devenait un insider platiné. Pas forcément facile à vivre – à moins d’en prendre son parti.
Et son parti, c’est d’en jouer, c’est le grandiose Soft Power, qui sort aujourd’hui. Gonzales, dont chaque album est œuvre de sincérité, est un nouveau riche. Autant alors faire un album de nouveau riche. “Un disque d’élite”, explique-t-il : celui d’un génie mégalomaniaque et ermite lâché avec ses idées de grandeur dans un studio dispendieux, avec une équipe cossue, armé de la volonté de retrouver l’ambition et l’opulence musicale des grandes années 70, de recréer la naïveté et l’innocence de l’époque d’Arnold et Willy, du disco, des Bee Gees ou de Barry Manilow. A première et courte vue, l’ultrapop et pétulant Soft Power est une blague de plus du marrant de service – sauf qu’il ne plaisante en fait jamais. Vous pouvez chercher, au microscope et la mauvaise foi bien aiguisée si ça vous amuse, les traces de cynisme, de manipulation, de parodie : vous ne trouverez que de grands morceaux aux grands textes drôles et acides. La joviale, bondissante et très perso Working Together, le slow très Lionel Richie Slow down et son solo de saxophone scandaleusement lubrique – la définition même du danger, de la recherche masochiste de conflit et d’opprobre. L’extraordinaire, tubesque et changeante Unrequited Love, vraie glue pour neurones et déclaration d’amour/haine au public ; le disco rutilant de l’autre tube Let’s Ride ; les très belles et joliment arrangées Theme from In-Between, Modalisa ou la dramatique Map of the World. Soft Power est une collection de tubes, des tubes d’avant le triste épuisement du concept.
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