Un énorme soleil jaune, semblable à ceux des cartes météo les jours de grand bleu, barré par cette inscription en lettres de cartoon : “Brian Wilson presents Smile“. Voilà à quoi ressemble, de l’extérieur, le disque pour lequel tous les amateurs de musique pop retiennent leur souffle, certains depuis trente-sept ans. Depuis que Brian Wilson […]
Un énorme soleil jaune, semblable à ceux des cartes météo les jours de grand bleu, barré par cette inscription en lettres de cartoon : « Brian Wilson presents Smile« . Voilà à quoi ressemble, de l’extérieur, le disque pour lequel tous les amateurs de musique pop retiennent leur souffle, certains depuis trente-sept ans. Depuis que Brian Wilson a entrepris, au début de cette année, de rejouer sur scène son chef-d’œuvre maudit, accompagné par un nouveau groupe, composé notamment de membres de The Wondermints, la parution de Smile semblait inéluctable. Restait à en connaître la forme. L’option finalement choisie était la plus risquée sur le papier, elle s’avère au final la seule envisageable pour un tel disque : un nouvel enregistrement, avec les mêmes musiciens qui réussirent l’herculéenne prouesse de lui redonner vie sur scène, en respectant à la note et au son près les textures et vibrations d’origines.
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Bon alors, s’impatiente le lecteur, Smile est-il le chef-d’œuvre annoncé ? Oui, il enfonce même tous les pronostics. Question subsidiaire : Smile est-t-il supérieur à Pet Sounds, le disque qui est déjà supérieur à tous les autres ? On s’en fout, en vérité, car ces deux albums bâtis dans un même élan de folie créatrice (et de folie tout court) par un jeune mec de 24 ans foudroyé par la grâce sont désormais réunis, jumelés, indissociables. Longtemps constitué de bribes de morceaux orphelins, éparpillés sur plusieurs disques des Beach Boys ou sur des pirates de toute dimension, Smile retrouve enfin son déroulé, dont seul Brian Wilson possédait le plan. Aidé par Darian Sahanaja, le clavier des Wondermints et directeur musical du projet, il a rassemblé les morceaux dans l’ordre et tenté de reconnecter ses neurones pour leur apporter le liant nécessaire.
Ce qui subjugue d’emblée avec Smile, c’est la manière dont les chansons, les thèmes musicaux, les intermèdes, les bruits, les voix, les silences parviennent à coulisser les uns dans les autres comme s’il s’agissait non plus d’un disque mais d’un film sonore dont le montage/ mixage serait aussi important que le scénario. Personne ne comprend vraiment où voulait en venir Van Dyke Parks avec ses histoires de héros et de scélérats, de chevaux de fer, de Grand Coulée, de champs de maïs et de Plymouth, mais c’est pas grave : Smile est une fresque d’avant-garde dont la musique aspire aux voûtes célestes et les paroles à une forme d’obscurantisme de bazar, comme pour faire chier l’Amérique rationaliste tout entière.
Les chansons de Smile que l’on connaissait (Surf s up, Cabin Essence, Good Vibrations) n’ont rien perdu de leur beauté superlative dans ces nouvelles versions au mimétisme troublant. Les deux premiers mouvements sont proprement sidérants, tandis que le troisième, plus expérimental et léger, donne l’heureuse impression que cette musique divine possède aussi son revers humain, sa part de fumisterie infantile (les outils bringuebalants de Workshop, les sirènes de pompiers de Mrs. O Leary s Cow), désamorçant un peu le mythe pour le ramener à nos débats terrestres. Smile est palpable, enfin : les fantasmes liés à son absence n’ont plus cours, et c’est peut-être mieux ainsi.
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