Ces Lillois méritent bien mieux que leur sobriquet de Bloc Party français. Un album décoiffé vient confirmer. Critique et écoute.
Pendant plus de dix ans, les cinq Lillois ont rodé leur première formation punk, Carving, dans les bars et petites salles du grand Nord. En 2008, Carving devient Skip The Use. Ce changement de titre annonce alors l’évolution à venir, sans pour autant éloigner le groupe de ce qui fut toujours son ciment. L’expérience des tournées, l’énergie de la scène, le succès à l’ombre d’un public restreint mais fidèle, Skip The Use y a gouté, digérant ces années de cavale à travers son punk natal.
Ce fut alors une folie de penser, juste un instant, que ces infatigables se borneraient un jour au seul horizon du savoir-faire. Le cuir brossé de Skip The Use s’est rompu en chemin, laissant la trace d’une giclée multicolore de reggae, de funk, de pop et d’electro incontrôlable sur les fondations impatientes du post-punk. “Le punk, c’est pas quelque chose qu’on a voulu défendre. Pour nous, c’est beaucoup plus qu’une musique ou une façon de s’habiller. C’est plus une façon de penser et de voir les choses.”
Cette leçon, c’est à la fois les racines et le fruit du deuxième album des cinq hooligans. Avec Can Be Late, les Lillois signent des morceaux richissimes, où les riffs rageux de Rage Against The Machine (Can Be Late, Darkness Paradise) se frottent avec autant de souplesse au groove bordélique de Beck (Ghost) qu’aux chœurs enjoués de Justice (Do It Again).
“On veut que les gens s’amusent et qu’ils se lâchent. Que pendant une heure, une heure et demie, ils puissent être eux-mêmes, être ensemble. C’est pas grand-chose mais pour nous c’est important. On a vraiment envie d’être un groupe populaire, dans le sens premier du terme. C’est de là qu’on tire notre énergie. On est super fiers d’avoir fait ces centaines de concerts sans conditions. Ça nous a forgés. C’est cet état d’esprit-là qu’on veut garder.”
Mathieu, alias Mat Bastard, est aussi calme en interview qu’il est fou et généreux sur scène. Sérieux mais rêveurs, le leader et ses quatre acolytes semblent préparer – avec sang-froid et au-delà de tout carcan musical – un hold-up salutaire : une attaque en règle contre les prés carrés.