Un groupe et un son venus de nulle part viennent sidérer le rock anglais Delicatessen rend militant. Déjà, Delicatessen n’appartient pas à son temps. On le sait très vite, après deux ou trois chansons. Trop riche pour une époque qui a appris à se nourrir de deux ou trois idées par groupe. Trop ambitieux, trop […]
Un groupe et un son venus de nulle part viennent sidérer le rock anglais Delicatessen rend militant.
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Déjà, Delicatessen n’appartient pas à son temps. On le sait très vite, après deux ou trois chansons. Trop riche pour une époque qui a appris à se nourrir de deux ou trois idées par groupe. Trop ambitieux, trop compliqué, trop risqué. Pas assez actuel’, mal habillé, trop flou, insaisissable. Entre Blur ? the groupe actuel, moderne, jeune, parfaitement emballé ? et Delicatessen : rien. Pas la queue du début du commencement d’un point commun.
Et pourtant, Delicatessen compte. Si ce premier album avait été enregistré en 1968, il constituerait aujourd’hui une espèce de trésor suprême pour collectionneurs maniaques, un Graal discographique. Tous les éléments du mythe sont là. Le mystère, d’abord: on nous dit que quatre types d’environ 20 ans ont formé Delicatessen à Leicester au printemps 93 autour de passions communes ? Kundera, Burroughs, Bukowski et Kandinsky. Mais on oublie de nous dire s’ils aimaient le rock. On sait aussi que ces gens-là écrivent des musiques pour la BBC, ce qui n’explique pas pourquoi Skin touching water sidère ainsi. La passion, ensuite: Neil Carlill, regard de braise et cheveux noirs, a cette façon de tenir les dernières syllabes, de suspendre les sons qui fait la singularité des fanatiques. Brûlé par une ambition remarquablement démesurée, le chanteur de Delicatessen s’est mis en tête de faire sonner son petit magnétophone huit pistes ? qui est à la technologie sonore ce que la lampe à pétrole est à l’énergie atomique ? comme une infernale bête de guerre. Comble des combles il y parvient. Les seize chansons de Skin touching water ? presque une heure de musique ? semblent avoir été érigées par quelque Phil Spector miniature puis enflammées consciencieusement par une instrumentation dont la richesse déroute, par des effets foisonnants, étourdissants, presque écœurants. « J’aime cette idée d’être un convoyeur de confusion, de jeter le doute dans l’esprit des gens qui nous écoutent. J’aime que les éléments de notre musique se bousculent. C’est bien plus passionnant que de les voir couler paisiblement. » En cela, Delicatessen peut évoquer le Jesus & Mary Chain des débuts ? surtout sur le formidable 45t CF Kane ?, mais aussi deux ou trois spécificités avantageuses de House 0f Love, des Psychedelic Furs, voire quelques moments de Suede. Avec eh sus ce supplément d’âme qui élève Moose ou les Tindersticks ? dont ils sont proches affectivement, cérébralement, bien que musicalement divergents. Ce qui, en somme, est encore le meilleur moyen d’admettre que non, dix fois non, Delicatessen ne ressemble à rien. Sauf à notre idée d’un grand groupe.
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