Premier véritable album d’un genre balbutiant en Angleterre, le UK garage ou two-step, Sincere impressionne par l’éclectisme et la finesse de son écriture. Talkin’ Loud, le label de Gilles Peterson, servait il y a trois ans de rampe de lancement au monumental New forms de Roni Size/Reprazent, étalon insurpassé de la drum’n bass. Le label […]
Premier véritable album d’un genre balbutiant en Angleterre, le UK garage ou two-step, Sincere impressionne par l’éclectisme et la finesse de son écriture.
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Talkin’ Loud, le label de Gilles Peterson, servait il y a trois ans de rampe de lancement au monumental New forms de Roni Size/Reprazent, étalon insurpassé de la drum’n bass. Le label tente de rééditer aujourd’hui semblable coup de grisou avec Sincere. De fait, cet album, l’un des tout premiers du genre sur une scène encore largement dominée par le format court (mais plus pour longtemps) a tout pour fédérer différents clans house, R&B, drum’n bass, soul, rap et surtout pour légitimer auprès d’un large public le two-step, l’un des derniers avatars de la dance britannique. Astucieux mariage des voix soyeuses de la house garage et de la production léchée du R&B avec l’énergie sauvage et les BPM accélérés de la drum’n’bass, ce style fait actuellement fureur outre-Manche, ses fleurons tels Artful Dodger, Craig David et Wookie squattant outrageusement les charts après être restés quelque temps l’apanage exclusif d’une poignée de clubs londoniens blacks et chics. Si Sincere foudroie littéralement sur place, on ne plongera pas pour autant les yeux fermés dans le traquenard que tend la presse anglaise, à commencer par le mensuel The Face, selon lequel « MJ Cole est au UK garage ce que Roni Size a été à la drum’n’bass. » Car aussi excitant soit-il, Sincere déploie (avec maestria, certes) une telle variété de tons, du plus rugueux au plus racoleur, qu’il constitue davantage une collection de singles et une vitrine avantageuse pour producteur surdoué qu’un véritable concept-album. Là où l’ambitieux New forms innovait avec une noblesse époustouflante et une immense subtilité, Sincere n’a jamais d’autre humble but avoué que de faire danser. Cela étant, MJ Cole s’acquitte de cette mission de façon éblouissante. Dans sa versatilité même, il force l’admiration : il sait tout faire et toujours avec une finesse troublante, même lorsqu’il frôle l’attentat à la pudeur. Ainsi le morceau-titre, doté d’une voix de diva autoritaire (Nova Caspar), est-il à la fois un de ces hymnes obsédants pour dance-floors et une merveille de retenue. De même, dans un registre opposé, beaucoup plus dur et dynamisé par l’excellent toasteur Danny Vicious, Bandolero desperado constitue un autre étonnant modèle de sobriété explosive. Ayant bénéficié d’une formation classique diplômé du Royal College of Music avec mention spéciale au piano et hautbois , MJ Cole ne sait pas seulement composer des mélodies entêtantes, il maîtrise parfaitement l’emploi des cordes et des claviers, dont il enlumine régulièrement ses morceaux. D’ailleurs, ses quelques concessions allumeuses à la FM ne parviennent pas à gâcher la classe ténébreuse de Sanctuary, la dynamique ascendante du magique Attitude ni les clins d’œil soul rétros, appuyés du curtismayfieldien Rough out there ou Free my mind, aux chaudes harmonies vocales façon Earth Wind & Fire. Lettré, malin, efficace : de la graine de champion pas près d’échouer sur une voie de garage.
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