Remixeurs haut de gamme, les Londoniens de Zero 7 offrent à leur fantastique soundwriting un songwriting encore trop sage et scolaire, qui rime (trop) avec Air. Malgré le nom à la James Bond, l’histoire de Zero 7 commence plutôt comme une aventure de Walt Disney : la nuit, profitant de l’absence de leurs employeurs, trois […]
Remixeurs haut de gamme, les Londoniens de Zero 7 offrent à leur fantastique soundwriting un songwriting encore trop sage et scolaire, qui rime (trop) avec Air.
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Malgré le nom à la James Bond, l’histoire de Zero 7 commence plutôt comme une aventure de Walt Disney : la nuit, profitant de l’absence de leurs employeurs, trois petits rats de studio s’introduisent au cœur des prestigieux RAK Studios londoniens et jouent comme des fous avec les bandes laissées en suspens par quelques vedettes de passage. Les vedettes en question, le jour revenu, tombent sur les montages cocasses réalisés en douce par les petits rats et décident de commercialiser ce qu’il faut désormais appeler un remix. Voici, en étant romantique, comment Zero 7 a fait son entrée par la grande porte dans l’industrie du disque, en remixant le Climbing up the walls de Radiohead, pour lesquels travaillaient les trois rats le désormais producteur Nigel Godrich est alors encore de ces escapades nocturnes. La barre était ainsi placée insolemment haut : pas question de décevoir en acceptant le lot quotidien des remixeurs à la chaîne, mécaniques et industriels.
Zero 7, devenu duo au fur et à mesure que s’épaissit le carnet de rendez-vous de Nigel Godrich (Beck, Travis, Pavement, Natalie Imbruglia…), continue à ne fréquenter que l’excellence sur son deuxième travail : une réappropriation somptueuse du Love theme from Spartacus de Terry Callier. Une chanson tellement sensuelle que beaucoup d’enfants seront conçus à son écoute certains s’appelleront peut-être Spartacus, ça serait con. On retrouvera ensuite ces agents d’ambiance particulièrement à l’aise avec les voix sur un remix faramineux du To Ulrike M. des Suédois de Doris Days, puis une nouvelle fois en grâce derrière une chanson de Lambchop. Un génie de la relecture languide et perverse que l’on n’avait alors croisé que chez les Autrichiens huilés de Kruder & Dorfmeister.
Une telle aisance à entortiller des atmosphères autour des voix invitées, une telle facilité à vampiriser leurs chansons dissimulait avec le plus grand mal un authentique talent de songwriting. Un premier maxi, EP1, confirmait cette classe et ce naturel, notamment quand des voix volées donnaient du grain à moudre à cette sensuelle machine à danser horizontal. Les voix sont, sur leur premier album, à la fois la bénédiction et la malédiction de Henry Binns et Sam Hardaker. Une bénédiction quand leur filet souple en attrape une en vol, comme sur Destiny, In the waiting line, l’ensorcelant Likufanele ou le génial This world. Là, ils révèlent pleinement un talent de dompteurs de voix que seul Bent, en Angleterre, peut leur envier. Patients, attentifs, délicats et outrageusement charnels, ils caressent les timbres consentants de Mozez, Sophie Barker ou Sia Furler, les malaxent, les traitent avec tous les égards, toutes les attentions.
Et c’est malheureusement quand ces voix s’effacent que Simple things perd de son impressionnant magnétisme. Cette pop lunaire redescend sur terre (on a failli écrire « sur Air ») et se réfugie, désemparée, dans un simple savoir-faire même si appris dans les meilleurs établissements privés anglais, de John Barry à Wally Stott, l’impensable arrangeur de Scott Walker. Les violons demeurent menaçants, les beats anesthésiques, les ambiances spleeniennes : rien en apparence n’a changé, mais la douce hypnose se transforme en rabâchage. Les chansons se mettent alors à donner lourdement des ordres à des sens qui, jusqu’ici, suivaient docilement ces volutes fascinantes et subtiles.
Trop Airiens à défaut d’être aériens, Polaris, Red dust (l’instrumental que les Bunnymen vont se mordre les oreilles de ne jamais avoir écrit) ou le pourtant très habile Give it away ressemblent alors à un décor de théâtre, où l’on attend désespérément les acteurs, l’action, pour donner vie et couleurs au stuc. Ça se joue dans les détails, bien sûr mais ils sont alors de ceux qui sépareront pour toujours Morcheeba de Portishead. La morale à Zero (7) : c’est à force de ne pas manquer d’Air qu’on s’étouffe inutilement. Ouvrons vite les fenêtres de ce passionnant laboratoire, histoire de changer… d’Air.
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