On redécouvre les Silver Apples, protégés d’Andy Warhol qui inventèrent le post-rock avant même le rock. Alors qu’aujourd’hui sont réédités les deux albums des Silver Apples, on ne peut qu’invoquer la poisse qui a suivi le groupe pendant toute sa carrière pour expliquer sa mise aux oubliettes. On repère Simeon Coxe pour la première fois […]
On redécouvre les Silver Apples, protégés d’Andy Warhol qui inventèrent le post-rock avant même le rock.
Alors qu’aujourd’hui sont réédités les deux albums des Silver Apples, on ne peut qu’invoquer la poisse qui a suivi le groupe pendant toute sa carrière pour expliquer sa mise aux oubliettes. On repère Simeon Coxe pour la première fois au milieu des années 60, jouant de l’orgue dans un groupe spécialisé dans les reprises des Doors. Pour s’amuser, il tire des sons bizarres de sa machine. Ça captive l’audience, mais lui vaut de se faire abandonner au bord d’une route en compagnie du batteur Danny Taylor. Pas grave : sur le bord de la route, déjà dans la marge, ils décident ensemble de former les Silver Apples. Quelques problèmes de labels plus tard et leur premier single, Oscillations, se retrouve au sommet du Top 10 de Philadelphie. Dopé par ce succès (et dopé tout court), Simeon Coxe se découvre alors un goût pour l’énorme et n’en finit pas de construire lui-même une machine complexe et intransportable le « Simeon » de laquelle il tire un fatras de sons jusqu’alors inconnus. Mais la compagnie aérienne Pan Am prend très mal la photo ornant le dos de la pochette de leur deuxième album Contact : le duo rigolant sur le site du crash d’un de ses avions. Dégoûtés par ce qu’ils considèrent comme un manque d’humour flagrant, les Silver Apples cachent leur matériel, s’enfuient, passent un an à vendre des glaces, arrêtent la musique. Si, aujourd’hui, les Silver Apples ne sont toujours pas sortis de l’oubli, on connaît en revanche ceux qui ont exhumé leurs disques des bacs à solde ils sont faciles à repérer : ils font aussi partie des groupes les plus novateurs du moment. Moonshake, Stereolab, Laika, UI et des dizaines d’autres, tous ont vu la lumière dans ces deux albums probablement interloqués par le fait que seul Alan Vega continue de citer les Silver Apples au rang de ses influences déterminantes. C’est ainsi qu’il y a trente ans, les Silver Apples faisaient déjà du rock avec de l’électronique dans les mêmes proportions qu’aujourd’hui les groupes de non-rock. Mieux encore, leurs disques conservent un avantage précieux par rapport à ceux de leurs héritiers : même si le groupe manie une sinistrose proche de la musique industrielle sur quelques rares titres, on ne trouve pas inscrits dans ses gènes le stress et la fureur de cette fin de siècle éléments qui peuvent rendre certains de ces groupes peu engageants. On ne trouve pas non plus les visions postnucléaires de Suicide ni les postulats naïfs de Kraftwerk. Beaucoup plus bas du front, Simeon Coxe et sa voix de petit punk teigneux façon John Lydon rigolo avec trémolo incorporé ne pensait qu’à faire décoller les gens en tournant des boutons dans tous les sens. Et puis il y a ces rythmes décalés et répétitifs proches de la techno qui, même aujourd’hui, feraient hausser quelques sourcils à Aphex Twin. Se rendant compte que les mélodies des petits nouveaux n’étaient pas meilleures que les siennes et que tous utilisaient un matériel similaire (et donc antique), Simeon Coxe a dépoussiéré ses vieilles machines et enregistré un nouvel album avec Steve Albini. Et si on croit en cette reformation, c’est bien parce que des groupes que l’on considère comme la crème de la création dans le rock font aujourd’hui exactement la même chose que faisaient les Silver Apples il y a trente ans.