C’est encore une fois d’Allemagne que déferle l’électronique la plus sexy, à la confluence du trip-hop et du post-rock. De Gaulle, le premier rock-critic réactionnaire de l’histoire le genre s’est, depuis, largement développé, il y a même un parti : le RPR (Rock-critics Passéistes et Rétrogrades) , l’affirmait déjà, “L’ennemi vient toujours de l’Est.” […]
C’est encore une fois d’Allemagne que déferle l’électronique la plus sexy, à la confluence du trip-hop et du post-rock.
De Gaulle, le premier rock-critic réactionnaire de l’histoire le genre s’est, depuis, largement développé, il y a même un parti : le RPR (Rock-critics Passéistes et Rétrogrades) , l’affirmait déjà, « L’ennemi vient toujours de l’Est. » Pour qui voudrait, d’une main de fer, maintenir le rock dans le rang et le plan-plan, il est vrai que l’Allemagne est, sur le continent, un dangereux cancer. Il y eut d’abord l’invention du krautrock le seul mouvement rock réellement important à avoir vu le jour hors des juridictions anglo-saxonnes puis sa glorieuse traduction électronique : Kraftwerk. Il y a ensuite, depuis le début des années 80, un activisme virulent qui, à force de labels passionnants et de magazines audacieux, a fait de l’Allemagne la tête de pont européenne d’un débarquement de guitares américaines pas assez dociles pour passer par les douanes anglaises. Forcément, une telle fréquentation de la hardiesse déteint sur les jeunesses locales : on découvrit ainsi, émerveillé, l’électronique déridée de Mouse On Mars ou Kreidler, les synthétiseurs pastoraux de Schneider ou les claviers sévères de To Rococo Rot. C’est à cette dernière adresse que Ronald Lippock, moitié de Tarwater, est généralement contactable. Mais avec un autre militant de l’underground local, Bernd Jestram, il vient de partir sans laisser d’adresse vraiment connue.
Ou alors, une adresse suffisamment vague pour ne pas être rattrapé par la banalité : Tarwater, vingt mille lieues sous les mers. Car d’eau, il est énormément question dans ce disque où Cousteau a fourni un texte, où un morceau s’appelle The Watersample et un autre Silur
en souvenir d’une époque où la surface de la Terre n’était qu’océan. Mais comme le nom du groupe l’indique, cette eau est goudronnée, poisseuse, incroyablement collante aux humeurs, à l’atmosphère. Sur ce quatrième album, le duo développe donc une dance-music (dense musique) pour caisson à isolation sensorielle : elle ne frappera que le bout des doigts de pieds, capable d’apaiser comme de maintenir les sens en appel un exploit récemment réussi par le Mezzanine de Massive Attack, dont le magnifique The Watersample est un écho sonar. Comme souvent quand on est ainsi perdu en mer, on appellera DJ Shadow ou Tricky à la rescousse, bouées de sauvetage d’une critique lâchée par ses repères. Si, effectivement, Tarwater évoque cette façon d’asphyxier les rythmiques hip-hop, cette économie de lumière et ce sens très filandreux de la mélodie, pas la moindre trace de récifs ou de pieuvres dans ces abysses où se cultivent plutôt le bien-être, l’hospitalité. Car même enregistré au fond des eaux, Silur demeure lumineux et chaud, parfaitement habitable et d’ailleurs frémissant de vie : on y entend le chant du corail (Ford), le dub des étoiles de mer (20 miles up), la tendre mélopée des dauphins (To describe you), le boléro des crabes (The Watersample). « Sur la plage, il nous a fallu casser la glace/Et ça, juste pour recueillir un échantillon d’eau. » Pour les baumes ainsi découverts dans le plancton, on ne remerciera jamais assez ces océanographes, qui offrent ici la première thalasso entièrement réalisable à la maison : une baignoire et un lecteur CD suffisent.