C’est désormais une règle écrite, immuable : chaque groupe anglais triomphant dans les charts et stades mondiaux avec un rock emphatique doit rendre hommage à Echo & The Bunnymen ? et précipiter la reformation immédiate de ces immenses cocus de l’histoire des eighties, où ils ratèrent une gloire acquise à force de drogues, de paresse […]
C’est désormais une règle écrite, immuable : chaque groupe anglais triomphant dans les charts et stades mondiaux avec un rock emphatique doit rendre hommage à Echo & The Bunnymen ? et précipiter la reformation immédiate de ces immenses cocus de l’histoire des eighties, où ils ratèrent une gloire acquise à force de drogues, de paresse et d’ego en tohu-bohu. La dernière fois, c’était au milieu des années 90, quand Oasis vint se racheter une crédibilité chancelante en s’affichant avec le groupe fraîchement reformé de Ian McCulloch. Aujourd’hui, c’est Coldplay qui pille allègrement le quatuor de Liverpool et appelle son chanteur en gourou au studio.
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Echo & The Bunnymen se reforme donc et les Liverpudliens peuvent encore, guitares intactes et lèvres toujours aussi élégamment désinvoltes, donner ici de sérieuses leçons d’écriture à tous ces groupes de vingt ans leurs cadets qui les dévalisent sans vergogne mais sans discernement non plus, des Killers aux Editors. Car l’écriture des Bunnymen, mélange de flamboyance et de retenue, de grandiloquent et de patraque, reste une singulière anomalie, une fois encore à l’œuvre sur les meilleurs moments de Siberia, comme All Because of You Days ou Everything Kills You. Sans doute à cause du snobisme étrange de cette tête de cochon de Ian McCulloch, capricieux, dilettante et surdoué, les Bunnymen ne sont ainsi jamais devenus un groupe pour vastes kermesses populistes, laissant à leurs vassaux U2 le soin d’envahir la planète. On imagine ainsi mal le sarcastique mais aussi commercialement suicidaire McCulloch s’aventurer sans ironie, sans distance dans les postures (impostures) politiques : une chanson, ici, s’appelle In the Margins (Dans les marges) et elle résume assez bien une éthique défendue au canif depuis les années punk. Un refus des ronds de jambes, des compromissions, des déclarations soupesées qui coûta très cher aux Bunnymen, mais qui permettra, maigre consolation, à Ian McCulloch de rester fidèle à sa grande gueule et à une éducation exemplaire (Leonard Cohen, Lou Reed, Scott Walker, Brel’).
C’est donc une fois encore dans les marges que se joue ce retour : dans les marges, heureusement, de l’indignité, si souvent le lot de ces retours mercenaires ? il y a là suffisamment de fougue, de sève et de désirs pour ne jamais sombrer dans l’autoparodie et l’autocitation dans lesquelles se sont vautrés les copains de New Order il y a quelques mois ; mais aussi, malheureusement, dans les marges du génie, assez rarement au générique de ces chansons parfois étroites et prévisibles. Comme si leur Killing Moon d’antan, à la lumière si aveuglante et obsédante, était un astre déclinant, ne rayonnant plus que par éclairs
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