Laboratoire de pointe au service du bruit, Jesus Lizard continue son défrichage sans boussole à travers la jungle noisy. Entamée au Texas sous le patronyme de Scratch Acid, leur quête du coup de rein inédit, du coup de griffe inattendu, perdure sur le pavé de Chicago depuis une bonne décennie, entre des instruments bien terre […]
Laboratoire de pointe au service du bruit, Jesus Lizard continue son défrichage sans boussole à travers la jungle noisy. Entamée au Texas sous le patronyme de Scratch Acid, leur quête du coup de rein inédit, du coup de griffe inattendu, perdure sur le pavé de Chicago depuis une bonne décennie, entre des instruments bien terre à terre et leur exploitation plus insolite. Freecore, acid-punk, swing-destroy : on pourrait multiplier à foison les tentatives d’estampillage sans jamais réussir à localiser précisément la formule exacte d’une solution instable, d’un virus explosif. Cas unique, les investigations de Jesus Lizard n’aboutissent pas sur le marbre froid d’un plan de dissection. Ses albums demeurent avant tout radicaux, chauds et humains. Toujours chichement baptisée Head, Goat, Liar, Lash ou Down , chaque nouvelle livraison apporte son pesant d’uppercuts sans précédent et de dépaysements mouvementés, sans donner l’impression de s’être torturé les méninges à dessein, d’avoir posé sur la table les éléments d’une réflexion. Jesus Lizard explore mais ne tergiverse pas. Comme un autre conte de la folie binaire, Shot repousse encore un peu les limites du vertige sonore. Les voix ont gagné en clarté sans perdre en impulsion. Les guitares de Duane Denison à retrouver aussi au sein du Denison Kimball Trio pervertissent systématiquement toute tentative de domestication, voire de sédentarisation sur leurs acquis. On a souvent remis sur le tapis leur amitié séculaire avec Nirvana sans en souligner les liens contre nature. Autant l’enfant Kurt Cobain était introverti, autant le psychopathe David Yow décharge son agressivité en geysers de mots tranchants et de sons acerbes. Si Kurt Cobain pouvait incarner le bon, David Yow endosse d’un coup les rôles de brute et de truand. Si le trio de Seattle était un pur produit du rock, Jesus Lizard ressemble à un groupe de jazz, au même titre que le MC5, PIL ou le Blues Explosion de Jon Spencer. Ici, l’ambiance parle plus que la mélodie. Les sentiments jugulés virent au noir. Le venin et la haine alimentent une sorte de swing sans cesse contrarié. Comme ses prédécesseurs, Shot fascine. Autant par l’efficacité de ses créateurs que par la poésie des monstruosités engendrées.
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