Lorsqu’on voit les pantalons à pince ringards et les mocassins italiens de Mark E. Smith, qu’on le sait habillé d’une chemise à paillettes sur scène, il faut un véritable effort mental pour s’imaginer que ce type est à la tête du plus radical des groupes d’Albion, et ce depuis 77. Si ses fringues symbolisent la […]
Lorsqu’on voit les pantalons à pince ringards et les mocassins italiens de Mark E. Smith, qu’on le sait habillé d’une chemise à paillettes sur scène, il faut un véritable effort mental pour s’imaginer que ce type est à la tête du plus radical des groupes d’Albion, et ce depuis 77. Si ses fringues symbolisent la classe ouvrière du Nord anglais ? bien avant que le sapeur Shaun Mondays qui frime en Lacoste et Chevignon pourraves ne devienne la figure de cette culture ?, sa véritable arme sociale réside dans ses mots. Mais là où presque tous tombentdans la grandiloquence ou la pleurnicharderie, Smith (celui-là, pas Robert) sait rester vachard et drôle, manie l’humour et l’ironie. C’est ainsi qu’il s’est imposé comme un fervent détracteur de la politique libérale de Thatcher sans pour autant en devenir un symbole un peu vain comme Billy Bragg le rouge, avec qui il partage une insularité maladive.
En changeant sa formule et ses musiciens, Mark E. Smith avait su maintenir son groupe à flot, un cas presque unique de longévité dans la dignité. Depuis quelques années, il avait même pris l’habitude d’être bon, une attitude plutôt sympathique qui évitait d’acheter trois albums avant de tomber sur le chef-d’œuvre Dragnet ? qui vient enfin d’être réédité en compact ? ou un album moyen pour avoir un single comme Victoria. Donc, logiquement, Shiftwork lui aussi est bon. Mais dans l’air du temps, certainement pas. The Fall ne s’est jamais compromis dans une telle argumentation marketing. Pourtant, on peut affirmer que Shiftwork est une première tentative pop. A une Sinister waltz doucement déglinguée près, presque tout l’album est apaisé, comme si pour la première fois Mark E. Smith n’avait pas eu besoin de violence musicale pour accoucher d’un album. Par pur mauvais esprit déplacé, on notera la similitude du riff de Idiot joy showland avec celui de Is Vic there de Department S, soit en fait une phrase typique des Stooges, ici repassée au compresseur pour donner un éventuel single entêtant. Mark E. Smith ne s’est pas non plus débarrassé de sa manie de beugler dans un mégaphone, ce qui donne à
The Fall ce côté impressionnant, quasi martial.
En tout cas, avec ce premier album presque franchement poppy, The Fall ne se renie pas et ennuie un peu plus sa maison de disques : ce n’est pas encore aujourd’hui qu’elle fera passer ce groupe à la radio.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
{"type":"Banniere-Basse"}