Zooey Deschanel et M. Ward signent une collection de classiques magnifiquement interprétés et adoptés. Critique et écoute.
Jusqu’au début des années 1960, il n’était pas rare de voir deux versions d’une même chanson se côtoyer dans les charts. La différence se faisait sur l’interprétation, et c’était à ces standards que se mesurait la valeur d’un artiste. Puis le rock a tant valorisé l’auteur qu’on n’obtient désormais de reconnaissance que si l’on écrit ses propres chansons, la reprise n’étant plus considérée que comme un exercice plaisant mais mineur, relevant selon les cas de l’hommage, de la connivence, de l’opportunisme ou de la paresse. Forcément suspecte puisque actrice, Zooey Deschanel a donc dû s’abriter derrière un duo et produire trois albums de chansons originales avant de gagner ses galons de chanteuse.
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Désormais bien installée, elle profite du passage de She & Him sur une major pour s’affirmer pour l’interprète qu’elle est profondément, et enregistrer l’album de reprises auquel elle était destinée. Sur Classics, elle reprend douze standards pop sans faute de goût (pas de tube FM revisité) ni crainte de la difficulté (elle ose Unchained Melody, classique des classiques). Même si M. Ward reste la plupart du temps en retrait, occupé à offrir à sa partenaire l’écrin que mérite son talent, She & Him reste un véritable duo, lié, tel un couple de designers, par la même ambition de réactualiser des formes vintage avec une sensibilité contemporaine. Ni big band, ni easy listening, ni torch-song, les arrangements soyeux de Classics ont le parfum d’hier mais sont indéniablement d’aujourd’hui.
Et c’est ce qui permet à Zooey Deschanel, avec son timbre de velours sombre, de dominer des chansons pourtant immenses et d’approcher ses légendaires devancières comme pratiquement aucune chanteuse de jazz actuelle. On lui reproche d’être actrice ? Elle démontre brillamment que ce sont ses consoeurs qui ne le sont pas assez. On ne marche pas sur les traces d’Ella Fitzgerald, Dusty Springfield ou Dionne Warwick avec une technique et une mentalité de moine copiste, mais en s’appropriant leurs chansons et en recréant non pas l’image exacte, mais l’image sublimée de leur époque. C’est ce que font les grands interprètes… surtout s’ils ont la chance de faire équipe avec de grands arrangeurs.
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