Un cinquième album magistral, qui consacre la songwriteuse en nouvelle reine du rock américain.
Sombre et viscérale, composée d’émotions à l’état brut, la musique de Sharon Van Etten n’a jamais été de celles que l’on écoute d’une oreille distraite. Ses chansons intranquilles ne laissent pas indifférent : un lien fort se tisse avec ses auditeurs.
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« Je me sentais vidée »
En 2015, la chanteuse américaine a reçu de nombreux témoignages bouleversants. “J’ai eu besoin de faire un break après toute cette tournée à jouer des chansons assez torturées. Je me sentais vidée. C’est très important pour moi d’entrer en contact avec les gens après mes concerts. Certaines personnes me disent pourquoi ma musique résonne en elles et d’autres me racontent des histoires très personnelles : de dépression, de maladie, de mort d’un proche. Ils me demandaient conseil, comme si j’en savais plus qu’eux… Quand j’étais sur la route, je repensais à tous ces gens et je me faisais du souci pour eux. Je me disais : ‘Comment pourrais-je les aider ? Pourquoi en ai-je envie ? Pourquoi ressentent-ils ma musique d’une façon aussi intense ?’ L’écriture est une sorte de thérapie pour moi, un processus très intime, alors ça me surprend que mes chansons puissent toucher le public d’une façon aussi personnelle. Toutes ces questions m’intéressent beaucoup. J’ai envie d’aider les gens à communiquer.”
Pour aller plus loin, Sharon Van Etten a décidé de reprendre ses études de psychologie, afin de se spécialiser dans le conseil thérapeutique. Autre changement de vie depuis son album précédent : elle est devenue maman d’un garçon et a fait ses débuts d’actrice (dans la série The OA et brièvement dans Twin Peaks).
Rester positif
Qu’on se rassure : cette trentenaire épanouie n’a pas l’intention de se détourner de la musique. Son cinquième album, Remind Me Tomorrow, prouve d’ailleurs qu’elle est loin d’avoir dit son dernier mot. Elle lâche les rênes en déléguant la production à John Congleton, mais aussi en allant trouver de nouvelles sonorités aux synthés. Elle a choisi de chanter un peu plus bas – la faute à une césarienne compliquée, qui a affaibli ses muscles abdominaux, rendant les notes aiguës plus difficiles à maintenir.
Le résultat, inspiré d’après elle par Portishead, Suicide et Nick Cave, regorge de torch songs envoûtantes, moins ténébreuses qu’auparavant. “Quand Trump a été élu, j’étais enceinte et je me battais contre les sentiments négatifs. C’est primordial de rester positif, d’être un modèle pour l’enfant qui va grandir à mes côtés.” Cet élan vivifiant est au centre de Remind Me Tomorrow, dont certains morceaux ont la puissance des hymnes rock (le single Comeback Kid en tête). Sans renoncer à exposer la crudité des émotions, Sharon Van Etten captive par son parcours hors normes, mais surtout pour cette façon d’entrelacer tourments et apaisement d’une voix magnétique – celle d’un cygne noir.
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