Il serait temps de reconnaître la grâce patraque et unique de cette Américaine,
qui n’a jamais été aussi affûtée.
Dans le fouillis de l’illustration présenté en recto du neuvième album de la chanteuse de Jacksonville (Floride), un single de Black Flag laisse entendre que Shannon Wright a encore affûté son goût pour un son chirurgical et puissant. Des guitares implacables pour forteresse assiégée (Commoner’s Saint), un son gorgé de l’excès des déchirures (Fractured, là encore comme une arme de guerre lancée à toute vapeur) ou le lancinant et reptilien Violent Colors attestent que la jeune femme, qu’on a après tout classé, après des prémisses punk, quelque part entre PJ Harvey et Cat Power, n’a rien perdu de son intransigeance.
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Mais ce qui pourrait être considéré comme un brillant retour vers le futur (et ses premiers albums produits par Steve Albini) ou la rupture avec le lyrisme développé au côté de Yann Tiersen n’omet pas, en douze chansons, des facettes plus nuancées.
Son goût pour l’expérimentation s’exprime ainsi dès l’ouverture du disque, en un culotté Palomino, harmonisé autour de bandes inversées et de voix en apesanteur. Mais on préférera le clair-obscur de toutes ces chansons (Satellites, célébrant le retour d’un piano liquide, le très acoustique et très tendre On the Riverside, un Dim Reader bruitiste et hypnotique), dans lesquelles l’Américaine développe un vrai talent de grâce et de sophistication.
Dans Under the Luminaries, on nous fait découvrir l’envers des choses, nuancées comme ces sentiments confus qui nous nourrissent au quotidien, sans que la sauvagerie initiale y perde de sa force. En déroulant une approche libertaire, qui mêle violence du rock et des pulsions, comptines pour enfants pas sages et sonorités orgiaques de sorcière de studio, et en confirmant une évolution constante, Shannon Wright s’inscrit enfin, hors école ou tendances, comme l’une des authentiques chanteuses créatrices de l’époque.
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