En réinvention constante, les turbulents Anglais entretiennent néanmoins un esprit de camaraderie libérateur sur ”Food for Worms”, leur troisième long format.
Deux semaines. C’est le laps de temps accordé en début d’année dernière à Charlie Steen et à sa bande pour se remettre en branle et assurer un concert surprise organisé deux soirs de suite à leur QG du Windmill, ce rade de Brixton devenu au cours des années 2010 l’un des derniers bastions de la scène indie du sud de Londres. Programmée au pied levé par le manager du groupe, avec pour seule condition de proposer exclusivement des morceaux inédits à chaque performance, cette double date devait surtout servir de prétexte à redynamiser un quintet mis à mal par une panne d’inspiration.
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De cet ultimatum, Shame est sorti vainqueur, aussi galvanisé par l’expérience que libéré de toute contrainte. Et sur la dizaine de chansons tests composées pour l’occasion, six d’entre elles ont fini par donner corps à un troisième long, Food for Worms, où subsistent les traces d’un lâcher-prise et d’une communion certaine, ce que les Londoniens n’avaient pas manqué d’observer au cours de leur épreuve impromptue.
Entre coups de sang et tension
Contrairement aux deux précédents albums, Shame s’est donc mis en tête d’enregistrer dans les conditions du live, avec l’urgence de jouer et de mettre en boîte des morceaux écrits pour être joués.
Exit les expérimentations ambitieuses de Drunk Tank Pink (2021), ses motifs complexes empruntés aux formations étiquetées post-punk et son penchant new wave. Place à une liberté de forme comme de ton, où les guitares en roue libre, tantôt rageuses, parfois acoustiques, côtoient par enchantement des notes de piano et de batterie feutrée (la superbe Orchid).
Les Londoniens tiennent leur remède à l’aliénation
Entre coups de sang en règle (Alibis, The Fall of Paul), tension et gravité palpables, Charlie Steen et ses camarades délaissent l’introspection pour désormais saisir le monde qui les entoure, jusqu’à afficher plus que jamais la force de son collectif (la poignante All the People).
Chaque instrument dispose alors d’une grande liberté de mouvement, les rôles sont partagés et les refrains se chantent en chœur. Et c’est sans doute là que les Anglais tiennent leur remède à l’aliénation qu’ils ne cessent d’évoquer sous différentes formes (Fingers of Steel, Adderall). Se serrer les coudes pour s’en sortir et aller de l’avant. Ça ne peut que s’entendre.
Food for Worms (Dead Oceans/PIAS). Sortie le 24 février. Concerts le 14 mars à Nantes (Stereolux), le 15 à Paris (Cabaret Sauvage) et le 16 à Bordeaux (Rock School Barbey).
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