On ne sait rien d’eux, si ce n’est qu’ils incarnent la nouvelle scène du rock indé anglais. Survolté sur scène, dopé aux concerts, Shame s’est arrêté à Saint-Brieuc, pour le festival Art Rock, où nous avons pu en apprendre un peu plus sur ce groupe qui ne devrait pas rester bien longtemps dans l’ombre.
En fouillant sur Internet, on ne trouve pas grand-chose sur Shame. Grâce aux réseaux sociaux, on apprend qu’ils sont londoniens, et sur Youtube on ne compte même pas une dizaine de vidéos. Sur Bandcamp, deux titres se battent en duel. Mais c’est suffisant pour constater que Shame possède une énergie unique et contagieuse. Sans l’ombre d’un doute, ce quintet bien mystérieux s’inscrit dans l’avenir du rock anglais actuel.
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Mystérieux mais pas volontairement. Shame ne cache ni son identité ni ses revendications et en concert les cinq jeunes se consacrent tout entiers à leur musique et au public. Malgré une discographie vide et une présence discrète sur internet, le groupe a récemment été vu dans plusieurs festivals de renommée mondiale : le Pitchfork Paris en 2016, le SXSW dans le Texas, en mars dernier… En France, on les a aussi aperçus en première partie de Blossoms au Point Ephémère et aux Transmusicales en février.
“On adore jouer en France », confient-ils tous les cinq, à l’unisson. « Une fois, on a joué avec Fidlar à Paris [en juillet 2016 à la Maroquinerie, ndlr] et on avait un public de dingues qui n’arrêtait pas de hurler”. Des groupies ? Le mot les effraie. « Oh non. Nous ne sommes pas assez cool pour avoir des groupies, » marmonne Eddie Green, l’un des guitaristes. On peine à les croire quand on se souvient que cette joyeuse bande a fait ses preuves aux premières parties de Fat White Family.
https://www.youtube.com/watch?v=kYut_0HLvUU
Marié à la scène
Depuis les premiers pas dans le monde de la musique, Shame entretient une relation privilégiée avec la scène. Et si leurs shows sont spectaculaires pour un groupe dont la moyenne d’âge ne dépasse pas les vingt ans, personne n’aurait parié sur eux lors de leur première représentation en 2014. Eddie raconte leur genèse :
“Nous nous connaissons tous depuis le lycée mais nous fréquentions des établissements différents. Juste avant les exams on a commencé à répéter au-dessus d’un pub londonien, à Brixton, qui s’appelle le Queens Head.”
Josh, le bassiste et boute-en-train du groupe, le coupe, très enthousiaste :
“Un jour le proprio s’est pointé et nous a invité à un open mic dans ce bar. On avait pas vraiment eu le temps de répéter avant, on venait de créer le groupe deux semaines auparavant.”
“C’était horrible,” grommelle Sean, le second guitariste à l’apparence taciturne. “Non c’était marrant !” réplique le batteur, Charlie Forbes. Eddie continue : « Le bar ressemblait à une pièce presque vide, et nos concerts consistaient à faire du bruit dans un coin. On y a rejoué un tas de fois pendant cet été 2014.” Et à Josh de s’écrier : “Vraiment, ce groupe est né à partir de rien. C’est comme le big bang ! Boum !”
Ses camarades sourient, mais le chanteur Charlie (encore un) Steen, resté silencieux jusqu’alors, précise : “On jouait quand même chacun de notre côté avant de former une vraie bande.” Avec sa voix grave et son air impassible, personne ne pourrait soupçonner la bête de scène qui sommeille en lui.
En quelques minutes de discussion, il est facile de constater que chacun d’entre eux occupe un rôle selon sa personnalité. Sean le guitariste timide, Charlie le chanteur, calme dans la vraie vie et déchaîné en live, Josh le bassiste cancre. Forbes et Eddie se partagent une posture cruciale pour un groupe aussi jeune : ils s’imposent comme les esprits critiques de la bande, de quoi se stimuler et se lancer des défis en permanence.
Rock’n’roll mais pas oldschool
La musique de Shame ne se repose pas uniquement sur des influences passées et des vestiges du rock britannique. Ils vont plus loin qu’un simple rock à l’anglaise. Il suffit de les écouter en concert pour constater qu’elles sont issues tant du post-punk, que du shoegaze, ou du garage californien… Pour le chanteur Charlie, la question d’un artiste ou d’un album favoris ne se pose même pas. “Notre truc, c’est l’interprétation live.” Eddie parle plutôt d’enrichissement sur le long terme : « Les découvertes musicales te construisent petit à petit et c’est impossible de se cantonner à une seule inspiration ! »
(Crédit photo : Titouan Massé – Art Rock 2017)
Tous assurent écouter des genres très éloignés du rock. Eddie, par exemple, adore la techno. Josh, lui, il n’écoutait que du rap avant d’intégrer Shame. “Ils m’ont emmené dans ce pub un jour et depuis je n’écoute que du punk”. “Au début, tu te disais plutôt : est-ce que je joue vraiment de la basse ?” taquine Charlie Forbes, en prenant une voix d’idiot. Ils rient à la blague.
La cohésion se ressent et fait plaisir à voir. On la retrouve distinctement sur scène. Ils ont beau être nombreux (cinq dans un groupe ça commence à faire beaucoup), ils ne se marchent pas les uns sur les autres, et diffusent une puissance folle, dans n’importe quelle salle de concert.
Sur le chemin du studio
Malgré sa discrétion sur internet, Shame est déjà passé par la case studio et a aussi illustré un de ses titres en vidéo : Visa Vulture, une sérénade à prendre au millième degré adressé à la Première ministre du gouvernement anglais, qu’ils ne portent pas vraiment dans leur cœur. “J’avais les paroles depuis si longtemps, raconte Charlie Steen. Personne ne voulait la sortir”. Les membres acquiescent. “Je détestais tellement cette chanson au début”, soupire l’autre Charlie.
https://www.youtube.com/watch?v=yztNOX0H8HE
Mais les membres de Shame refusent de se voir comme des artistes engagés. Pour eux, ce morceau s’apparente d’abord à une blague. Quoique Eddie ne se voile pas la face : “Les décisions prises au Royaume-Uni en ce moment affectent surtout les jeunes. Rien que pour nous, en tant que groupe, qui avons envie de voyager en Europe, cette histoire de Brexit nous met clairement des bâtons dans les roues.”
Après Visa Vulture, seuls les morceaux Tasteless et Gold Hole ont été enregistrés et clippés, à l’heure actuelle.
Charlie le chanteur explique : “Nous n’avions jamais enregistré des morceaux qui nous plaisaient vraiment, et nous préférons être patients avant de poster n’importe quoi sur internet.” Le batteur et autre Charlie poursuit :
“Il nous a fallu du temps avant de trouver la bonne personne qui arriverait à produire en studio, ce que nous voulons transmettre sur scène.”
Aujourd’hui, c’est chose faite, assure le groupe. Ils prévoient de sortir leur tout premier album en janvier 2018. “Le 12”, promet Charlie Steen, confiant, tandis que ses acolytes secouent la tête pour le contredire : “Tenons-nous en à janvier 2018, OK ?” Et Eddie de plaisanter : “Même début 2018 !”
Du côté français de la Manche, nous serons prêts.
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