Le contrebassiste jazz Avishai Cohen surprend en duo minimaliste. Shai Maestro, son ancien pianiste, débarque en force avec un premier album en leader : une bombe.
L’un s’entretient avec l’aisance d’une rock-star. L’autre est d’une modestie sans pareille, réticent à l’idée même d’évoquer son talent. Avishai Cohen, le contrebassiste, et Shai Maestro, le pianiste, ont fait un joli bout de chemin ensemble, on les croyait inséparables. On se mettait le doigt dans l’oeil.
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Avishai Cohen, né en 1970, est une étoile filante. A 14 ans, il quitte sa terre d’Israël pour celle de Miles Davis, Saint Louis. Marchant dans les pas du trompettiste, ce sera un aller, sans retour, direction la Mecque du jazz. Arrivé à New York, il tape le boeuf avec Brad Mehldau et intègre la communauté des musiciens afro-cubains. Puis, en 1996, le téléphone sonne : “Allô, c’est Chick Corea, j’aime beaucoup ce que vous faites.”
Cohen rejoint dans la foulée le pianiste pour son nouveau groupe Origin, Avishai se fait un nom. En 2003, il a le chic de quitter Corea pour lancer son propre label : point de départ d’une carrière solo fulgurante. Trois ans plus tard, Shai Maestro, jeune poulain de 19 ans élevé à Tel-Aviv, rejoint Cohen et le batteur Mark Guiliana. En résulte un premier enregistrement, Gently Disturbed, une grosse claque. Le légendaire label Blue Note signe le trio. Avishai, enchanté, fait des vocalises sur Aurora et reproduit l’exercice, qui, cette fois, lasse, sur Seven Seas. Mais le succès est à la clé. Cohen atteint la lune, Maestro est sur la rampe de lancement. Fin de la collaboration.
Leur histoire reprend en ce printemps. Le contrebassiste a eu la perspicacité de changer de formule. Son nouvel album, Duende, est une sorte d’interlude instrumental, un duo court et esthétique. “Less is more”, assure-t-il, convaincu qu’une musique économe transmet une émotion plus vive. “Ce disque, c’est comme si l’on observait ma musique au microscope. Pas de voix, pas de guitare. Juste du piano et de la basse. Deux instruments avec lesquels je compose.”
Le pianiste qui remplace Shai se nomme Nitai Hershkovits, inconnu jusqu’alors. Cohen ne résiste apparemment pas à l’allitération qu’offre son prénom juxtaposé à ceux de ses musiciens. L’équilibre des voix, impeccablement ajustées, donne à la contrebasse une ampleur rarement entendue, débarrassée des mièvreries vocales de Seven Seas. Pour sa première échappée en leader, Maestro, qui doit beaucoup à son aîné, (“le meilleur professeur que j’aie jamais eu”), tente de s’émanciper.
Installé à New York, ce “magasin de friandises pour musicien”, il absorbe tout ce qui est à sa portée : “Je joue de la salsa, de la musique classique et du bebop, tout ça influe sur mon écriture, au même titre que la musique d’Avishai, inscrite dans mon ADN.” Alors, on retrouve dans son album ce lyrisme éthéré, ces joliesses mélodiques caractéristiques de l’oeuvre de son maître.
Mais le pianiste, obsédé par le rythme, offre une musique nettement plus dynamique, plus ornementée. Les notes défilent dans une salve continue, le dialogue avec son batteur est explosif, passant d’une ballade à une offensive punk. Évitant soigneusement de s’adonner à une débauche immature de virtuosité, le bien nommé Maestro impose son style : sur le fil, tendu, parfois romantique, mais jamais dans l’excès.
Albums : Avishai Cohen Duende (Blue Note/EMI) & Shai Maestro Shai Maestro Trio (Laborie Jazz/Abeille Musique)
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