Conçue par l’artiste Peter Blake d’après une idée de Paul McCartney, la pochette de Sgt. Pepper reste l’une des images les plus fortes et les plus détournées de la pop culture.
Avant même la fin de l’enregistrement de Sgt. Pepper, Paul McCartney avait dessiné quelques croquis en vue de la réalisation de la pochette. On y voyait déjà les costumes de parade inspirés de la garde militaire edwardienne, que le groupe portera en versions “popisées” le jour venu, ainsi que diverses propositions d’arrière-plan dont celle d’une foule encore indéterminée.
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Le désir de Paul, avide consommateur de disques depuis son plus jeune âge, était que les acquéreurs de l’album puissent passer des mois à observer cette pochette, comme ils passeraient une vie à en détailler la musique qu’elle contient.
Un tournant esthétique qui va encapsuler toute l’atmosphère d’une époque
Macca a l’intuition que cet album n’est pas un disque de plus dans la discographie des Beatles, mais bien un tournant esthétique qui va encapsuler toute l’atmosphère d’une époque, une boîte de Pandore sonore qui se doit de posséder un écrin révolutionnaire.
L’objet, ludique et symbolique, doit aussi introniser les “nouveaux” Beatles, rois illusionnistes de studio n’ayant plus rien à voir avec le quatuor encore poupin qui s’usait les mains et les tympans sur scène quelques saisons plus tôt.
C’est le galeriste londonien Robert Glaser qui aiguille McCartney vers l’artiste pop britannique Peter Blake et son épouse, l’Américaine Jann Haworth, lesquels vont commencer à traîner en studio et multiplier les rendez-vous pour affiner l’idée initiale esquissée par Paul.
Il en ressort très vite que la “foule” derrière la parade des Beatles sera un assemblage de célébrités, certaines ayant été une inspiration directe pour le groupe ou l’album (Dylan, Stockhausen, Edgar Allan Poe, Aldous Huxley et divers gourous indiens), d’autres appartenant à l’histoire (Marx, l’ancien Premier ministre britannique Robert Peel), au monde du sport, de la littérature, et à la culture populaire.
Les noms de Jésus et d’Hitler sont finalement écartés
Les membres des Beatles (à l’exception de Ringo qui n’en avait visiblement rien à battre) et leur entourage proche procéderont à ce casting légendaire. Les noms de Jésus et d’Hitler sont finalement écartés (Peter Blake révélera des années plus tard que la silhouette en carton du Führer était bien sur le plateau), tout comme celui de Gandhi qui sera effacé du cliché final à la demande du patron d’EMI qui ne voulait pas froisser les autorités indiennes. Les effigies de Sophia Loren et de Marcello Mastroianni, pourtant sur la photo, seront quant à elles cachées par les statues des Beatles.
Aucune pochette de disque n’avait jusqu’ici bénéficié d’une telle logistique, mise en place pendant les semaines précédant la date de la prise de vue, le 30 mars 1967, et mobilisant plusieurs ateliers pour fabriquer les silhouettes en carton, les costumes du groupe, les parterres de fleurs formant le mot Beatles, divers ornements, ou encore la grosse caisse avec le logo rétro conçue par l’artiste Joe Ephgrave.
Clin d’œil aux Rolling Stones
Le jour J, des émissaires de Madame Tussauds, le musée Grévin londonien, apporteront les statues de cire des “anciens” Beatles imberbes, vêtus de costumes ternes et de cravates, qui figureront aux côtés des “nouveaux”, désormais moustachus et resplendissant de couleurs vives.
L’autre clin d’œil sera, sur le côté droit, cette poupée en chiffon à l’effigie de Shirley Temple, portant un pull avec l’inscription brodée “Welcome The Rolling Stones, good guys”, message envoyé à leurs (faux) rivaux Jagger et Richards, arrêtés puis libérés quelques mois plus tôt pour possession de drogue.
C’est au photographe Michael Cooper que reviendra l’aubaine d’immortaliser cette session historique dont le seul coût (3 000 livres sterling) avoisinait celui de l’enregistrement d’un album ordinaire. Véritable objet pop, la pochette ouvrante, réalisée par le groupe de designers hollandais The Fool, contiendra, outre les paroles des chansons imprimées au verso, plusieurs inserts représentant des personnages à découper, ainsi que des badges du Club des cœurs brisés, inaugurant l’ère des albums “augmentés” à l’attention d’un public qui, dès lors, ne pourra plus se satisfaire d’un simple disque glissé dans une pochette de papier blanc.
Iconique dès sa sortie en juin 1967, la pochette de Sgt. Pepper sera, au fil du temps, l’un des principaux sujets de fixation des beatlemaniaques à travers le monde, notamment lorsque naîtra la rumeur absurde de la mort de Paul McCartney, supposé avoir succombé lors d’un accident de voiture, en 1966, et avoir été remplacé par un sosie. Nombres d’“indices” seront alors trouvés dans le foisonnement de la pochette, à commencer par les fleurs jaunes au premier plan que certains farfelus verront dessiner le prénom Paul.
https://youtu.be/6-9FX7bhESs
Quant aux parodies, nombreuses et régulières, elles commenceront dès l’année suivante avec la pochette de l’album de Frank Zappa, We’re Only in It for the Money, pour ne plus jamais s’arrêter depuis un demi-siècle.
De Sesame Street aux Simpsons, de n’importe quel club de base-ball en passant par des compilations souvent loin du sujet, on les compte par dizaines. Parmi les plus récentes, une concernant les morts de l’année 2016 et une autre avec les personnages de Star Wars en démontrent une nouvelle fois la force universelle.
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