Très occupée par ses affaires, la diva malienne Oumou Sangaré revient enfin à la musique avec Seya, grand album mandingue et funky.
On s’inquiétait pour Oumou Sangaré. Pas de sa santé, inch’allah !, ni de sa solidité bancaire, mais de son avenir dans la chanson. Elle, dont la discographie se résumait à trois albums et une compilation, le tout en 18 ans de carrière, semblait accaparée ailleurs. Par son hôtel, le Wassulu et par sa ferme pilote de Baguinéda, où elle cultive 10 hectares de champs et entend réussir un croisement inédit entre vaches laitières hollandaises et maliennes.
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Aujourd’hui, sur le marché de Bamako, on trouve les cassettes de ses grands classiques, Worotan et Moussoulou, mais aussi du riz qui porte son nom. Voici deux ans, elle s’est associée à un constructeur de 4X4 chinois et ouvert un garage. Depuis, sur la latérite poussiéreuse des artères de Bamako, on voit passer des pick-ups de la marque OumSang. De quoi filer un sérieux coup de frein à ses ambitions d’artistes, se disait-on, songeant aux nombreux exemples de musiciens africains qui, à trop vouloir diversifier leurs activités, ont fini par laisser s’échapper la muse. Souvenons nous d’un certain… Youssou N’Dour.
Or à force de s’entendre dire qu’elle ne redeviendrait pas la resplendissante Oumou Sangaré des débuts, cette version bambara d’Aretha Franklin, il est probable qu’elle a fini par prendre la mouche. Ainsi parlant de son nouvel opus Seya, elle s’empresse de dissiper le malentendu : « La musique, c’est ma vie. Sans la musique, je ne serais rien. Je n’aurais jamais entrepris tout ça. Ce disque, je le devais à mes fans, à ceux qui m’ont soutenu toutes ces années. » Oui, Oumou Sangaré est si consciente de tout devoir à son public que, pas ingrate, elle le lui rend au centuple avec un album ni plus ni moins somptueux.
En revanche, elle ne doit rien à son père. Elle avait 2 ans quand celui ci l’a abandonnée, elle, sa mère enceinte et ses quatre frères et sœurs. Elle a dû vendre des allumettes dans la rue pour vivre et, faute de mieux, manger de la soupe d’orties. Au final, elle a construit sa carrière sur cette blessure. L’entendre sur ses premiers disques, c’est poser la main à même les braises. « J’étais très amère » reconnaît elle. Ses chansons ont souvent pris pour cible les travers de la société traditionnelle, en particulier la polygamie et les mariages forcés, et toujours rendu hommage aux femmes maliennes, dont elle symbolise le courage. Sur Seya, elle prodigue conseils, distribue louanges et encouragements, comme elle a toujours fait. Avec pourtant quelque chose en plus, une valeur d’âme ajoutée qui change tout.
Il y a quelques années, elle s’est rendue à Abidjan pour se réconcilier avec ce père qu’elle n’avait jamais revu. Et en lui accordant son pardon, en renouant des liens, elle a pu faire la paix en elle-même. Seya (la Joie) est le fruit de cette réconciliation intérieure et de l’épanouissement artistique qui en résultât. Il est surtout l’album que l’on attendait d’elle, celui que Cheikh Tidiane Seck rêvait de produire. Ce maître d’œuvre de la musique malienne (voir encadré) a réuni autour de ce projet réalisé sur trois ans, un « all stars » mandingue incluant le virtuose du ngoni Bassekou Kouyaté et le guitariste du Rail Band Djelimady Tounkara.
A cet équipage est venu s’adjoindre quelques V.I.P. de l’internationale funky, dont Tony Allen et les anciens cuivres de James Brown, Fred Welsey et Pee Wee Ellis. En tout, une cinquantaine de musiciens y ont participé. « Tu fais écouter n’importe quel morceau du disque à un gars au fond de la brousse et tu verras s’il ne danse pas dessus comme si c’était du pur traditionnel» prévient elle. Le beat dansant propre à la région du Wassoulou s’en voit effectivement redimensionné et la voix phénoménale du « n’kono » (l’oiseau) y trouve l’écrin qu’elle méritait. Du coup, Seya est bien un couronnement, pas d’une successful businesswoman en boubou, mais d’une Reine de la musique africaine enfin parvenue au sommet de son art.
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