Ça arrive même aux meilleurs. En ce printemps 1963, qui est loin d’être le plus radieux de sa déjà longue et fascinante trajectoire ? presque vingt ans ?, Miles Davis est seul. Seul comme un général laissé en carafe par ses lieutenants à la veille de livrer une nouvelle bataille. Car l’histoire du jazz, surtout […]
Ça arrive même aux meilleurs. En ce printemps 1963, qui est loin d’être le plus radieux de sa déjà longue et fascinante trajectoire ? presque vingt ans ?, Miles Davis est seul. Seul comme un général laissé en carafe par ses lieutenants à la veille de livrer une nouvelle bataille. Car l’histoire du jazz, surtout en ce temps-là, n’est qu’une suite de joutes pour occuper de nouveaux territoires. Des affrontements d’instruments, de chorus, des luttes d’hommes qui se tirent la bourre pour faire collectivement avancer les frontières d’une musique qui n’a de sens que lorsqu’elle fonce vers l’avant, colmate dans le sable des mémoires les pas de géant de la veille pour en déposer de plus frais.
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Ces sept pas (Seven Steps), justement, que détaille ce nouveau coffret historique (le septième), constituent à l’aune de la carrière de Miles une foulée de moindre importance, musicalement parlant, que celles consignées dans de précédentes anthologies : Miles & Coltrane, Miles & Gil Evans ou Bitches Brew. Elle raconte en revanche la gestation d’une des combinaisons les plus fertiles et éblouissantes coagulées autour du trompettiste, celle du canonique « second grand quintet » qui officiera dans les années 65-68 (avec Wayne Shorter, Herbie Hancock, Ron Carter et Tony Williams), et dont l’insurpassable majesté fut déjà coffrée il y a quelques saisons mais reparaît actuellement à un prix moins douloureux. Ce quintet, qui va bousculer la donne du jazz des années 60, illumine le dernier des sept CD de ce nouveau coffret, dans une capture live à Berlin en septembre 1964. Auparavant, six autres rondelles retracent donc pas à pas un parcours de dix-huit mois ? depuis avril 63 ?, où la valse du personnel trahit les hésitations d’un musicien contraint de donner le change à sa propre fortune, que l’unanimement acclamé Kind of Blue (1959) a provisionnée en or lourd.
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