Ouverte à l’éclectisme, unissant les conquêtes de la musique électronique, du langage parlé et du théâtre musical, l’oeuvre de Berio s’arc-boute autour de ces treize Sequenzas conçues à quarante ans d’intervalle. Jamais autant que chez ce contemporain de Boulez et de Stockhausen la création n’aura été à ce point libérée de tout dogmatisme. Soucieuse de […]
Ouverte à l’éclectisme, unissant les conquêtes de la musique électronique, du langage parlé et du théâtre musical, l’oeuvre de Berio s’arc-boute autour de ces treize Sequenzas conçues à quarante ans d’intervalle. Jamais autant que chez ce contemporain de Boulez et de Stockhausen la création n’aura été à ce point libérée de tout dogmatisme. Soucieuse de mettre en relief les relations entre l’individu et la société, elle se hisse à un niveau d’engagement que magnifie la collaboration avec l’écrivain Sanguinetti, librettiste de Passagio (1962), vaste hommage à Kafka et à Rosa Luxemburg. Sanguinetti a fourni lui-même une série de poèmes pouvant introduire chacune des Sequenzas.
Ces oeuvres pour instrument soliste ou voix ont pour propos un type d’action centré sur l’évolution harmonique qui mène chaque instrument au bout de ses possibilités en fonction de ses caractéristiques propres : le souffle, la résonance du piano à travers la pédale, les doigtés et les positions des vents et des cordes. C’est tout simplement un tête-à-tête privilégié entre le musicien et son double, l’instrument. La virtuosité est un propos pleinement revendiqué, ce dont témoigne le concours historique d’interprètes de choix comme le flûtiste Severino Gazzeloni, dédicataire de la première Sequenza (1958), là où « la musique est le désir des désirs ». Un rubato permanent, l’alternance de passages chantants et de déchirements lapidaires en font déjà une pièce de répertoire après les oeuvres de Debussy et Varèse. Umberto Eco y a vu l’exemple type de l’oeuvre ouverte.
La contribution au théâtre musical est éclatante dans les Sequenzas iii et v, respectivement pour voix solo et trombone, cette dernière dédiée au clown Grock. Simultanéisme de sons, confusion sonore entre voix et instrument, confrontation de tous les instants. Dans son propos, Berio ne viole pas les lois musicales. Au contraire, il étire, élargit et parvient à une synthèse historique qui en fait le digne successeur de Paganini. Ce n’est pas sans une certaine émotion qu’on peut dérouler aujourd’hui cette suite de gestes et d’actions qui constitue autant une somme musicale qu’une réflexion sur la vie sociale. Il fallait toute l’infaillibilité des membres de l’Ensemble InterContemporain pour restituer l’humanité de ce corpus.
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Luciano Berio, Sequenzas I-XIII – Ensemble InterContemporain (Deutsche Grammophon)
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