Après avoir goûté aux vaguelettes anglaises, The Aloof surfe aujourd’hui sur la cold-wave : glacial, martial, il fait illusion. Seeking pleasure, à la recherche du plaisir. A la recherche du temps perdu, plutôt, pour une plongée en apnée (en acné) dans sa jeunesse. Car si le début des années 90 avait violemment claqué la porte […]
Après avoir goûté aux vaguelettes anglaises, The Aloof surfe aujourd’hui sur la cold-wave : glacial, martial, il fait illusion.
Seeking pleasure, à la recherche du plaisir. A la recherche du temps perdu, plutôt, pour une plongée en apnée (en acné) dans sa jeunesse. Car si le début des années 90 avait violemment claqué la porte des années 80, c’est par le soupirail que cette fin du siècle y revient fureter, se vautrant désormais sans complexes dans des nappes de synthé que l’on pensait asséchées à tout jamais, dans des lignes de basse que l’on imaginait coupées depuis la semi-retraite de New Order. C’était sans compter sur la gourmandise de sons des laborantins de studio, sur cette course à l’armement cocasse, sur cette vaste compétition de pillage inédit. Ainsi, comme souvent, Massive Attack avait l’année dernière taillé une brèche en réouvrant le dossier after-punk, en consultant frénétiquement des annales Gang Of Four, Siouxsie, Joy Division, The Cure abandonnées à la poussière et aux mites (aux mythes, également). C’est dans cette même salle d’archives, désormais accessible à tous, parfaitement éclairée et rangée, que The Aloof fait banquette. Par souci d’allégeance à la nostalgie écrasante des lieux, le meilleur titre de l’album est le parfaitement titré What I miss the most « Ce qui me manque le plus ». A l’écoute de cet hymne au lyrisme tourmenté, on sait évidemment ce qui manque le plus au groupe : tout ce pan de la musique du Nord anglais qui, du New Order de Movement aux Liverpudliens de Modern Eon, orientait la furie du punk vers une ère de glaciation. Un fatras de batteries martiales, de basses sourdes et de voix tremblantes sur lequel ont prospéré I find fun, N89 ou Lies, chansons atteintes d’une fièvre noire, aux mélodies déchiquetées par des rythmes mécaniques, cagneux. Mais là où Massive Attack avançait à la machette, avec un risque de fausse route inouï, The Aloof emprunte l’autoroute, conduit peinard. C’est là toute la différence entre les deux groupes : Massive Attack retrouvait, au coin d’une ruelle sombre, l’esprit de Joy Division cette façon de jouer avec la violence sans jamais se laisser emporter, de rester stoïque dans le désordre , l’alchimie même de leur toujours terrifiant Unknown pleasures ; Seeking pleasure, lui, se tient à distance de ces plaisirs inconnus et menaçants. La Recherche du plaisir de The Aloof ne passe que rarement par les chemins épineux, par les cahots et chaos. Quand le groupe affronte ce qu’on appelait alors la cold-wave, c’est à l’abri, comme ceux qui ne connaîtront la terreur d’un tremblement de terre ou d’un raz-de-marée qu’en visitant le musée des effets spéciaux des studios hollywoodiens. Il a beau surfer sur cette vague avec une conviction souvent impressionnante (All I want is you), on sait qu’il y a trucage, qu’il porte un gilet de sauvetage, qu’un filin l’empêchera toujours de sombrer. C’est monstrueusement efficace, délicieusement prenant mais ça reste un divertissement : comme du Massive Attack filmé par Spielberg.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
{"type":"Banniere-Basse"}