Sous forme de livre-disque et de spectacle, Florent Marchet et Arnaud Cathrine signent le second tome de Frère animal, chronique aussi grinçante que brillante de la France d’aujourd’hui.
En 2008, l’amitié fraternelle entre Arnaud Cathrine, romancier passionné de musique, et Florent Marchet, chanteur et compositeur épris de littérature,donne naissance à Frère animal, roman musical qui allie leurs immenses talents respectifs. Rejoints par deux complices de taille, Valérie Leulliot (Autour De Lucie) et Nicolas Martel (Las Ondas Marteles), ils transposent ensuite ce premier volume sur scène et ce spectacle tourne pendant trois ans.
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Thibaut, antihéros d’une vingtaine d’années
Le groupe raconte les aventures de Thibaut, antihéros d’une vingtaine d’années, dans une commune fictive de province – un prétexte narratif pour évoquer les dérives du monde du travail, la violence sociale et l’aliénation Huit ans plus tard, ces frères d’armes frappent à nouveau en plein cœur avec le deuxième tome, toujours publié en CD et en livre. Comme son titre l’indique, Second tour prend un virage politique qui tombe à pic, quelques mois avant la prochaine élection présidentielle.
“Notre moteur dans l’écriture, c’est d’être stimulés par des choses qui nous inquiètent, que ce soit d’un point de vue intime ou d’un point de vue plus large, explique Florent Marchet. On ne se voyait pas parler d’autre chose à ce moment-là. On a eu très envie d’écrire sur l’origine de notre inquiétude face au monde, face à la société, ce repli communautaire, cette montée des pensées réactionnaires.”
Fin 2014, ils se lancent dans un long travail de documentation pour chercher des réponses. Ils lisent Charlotte Rotman, Caroline Fourest, Revenus du Front ou encore la bio de Marine Le Pen.
“Une plongée dans la France rance, résume Arnaud Cathrine. On a décidé de s’exiler en plusieurs sessions pour écrire à huis clos. On a commencé le 6 janvier 2015 et le lendemain, il y a eu l’attentat à Charlie. C’était extrêmement étrange. On a compris qu’on ne pouvait écrire que là-dessus.”
La musique teintée de mélancolie
Florent Marchet : “On sentait bien qu’une partie de la population était totalement exclue de la société, avec une colère mal comprise.” Le duo sonde ses propres troubles et expose les nôtres par la même occasion. Au début de Second tour, Thibaut, le protagoniste incarné par Florent Marchet, s’apprête à sortir de prison – il a incendié l’usine locale dans l’épisode précédent.
Sa petite amie, interprétée avec finesse par Valérie Leulliot, ne l’a pas attendu. Son frère, porté par la voix touchante d’Arnaud Cathrine, a fait sa vie en se mariant avec un homme. La musique teintée de mélancolie est interrompue par le morceau Bienvenue, coup de sang sur l’incapacité à trouver un emploi, où Thibaut/Florent énumère sur un phrasé hip-hop toutes les entreprises qui ne veulent pas de lui.
Une main se tend à lui : celle d’un ami d’enfance qui lui propose de le pistonner dans l’entreprise de son père et de l’emmener à un meeting du Bloc national, parti fictif d’extrême droite dont il dirige l’antenne locale. Dans ce rôle, le comédien, danseur et musicien Nicolas Martel déploie un charisme impressionnant, en particulier sur scène.
Des parodies de l’extrémisme
Ses interventions militantes donnent lieu à des parodies de l’extrémisme. Pour contrebalancer les thématiques sombres du projet, l’ironie et la dérision sont les bienvenues. Certaines exagérations font sourire, mais on passe parfois du rire au malaise sur certains titres comme Une chanson française, avec son refrain enjoué qui chante une idéologie ignoble. La voix off de François Morel, narrateur parfait, apporte un second degré bienveillant. Dans un autre registre, Bernard Lavilliers rejoint le collectif pour une petite apparition, brève mais saisissante.
En explorant le parcours d’un homme qui fait fausse route, Frère animal aborde de front des sujets cruciaux, mais souvent délaissés dans la chanson française. Leur conscience politique ne se sépare jamais d’un sentiment plus fort qu’un discours moralisateur, devenu trop rare ces temps-ci : l’empathie. “On doit considérer les raisons de la fausse route”, déclare Arnaud Cathrine. Leur décryptage est aussi précieux sur scène que sur disque, dans un mélange de lumière crue et de délicatesse instrumentale.
concerts le 3 décembre au Haillan, du 12 au 15 décembre à Paris (Philharmonie), le 19 janvier à Cusset, le 12 mars à Vannes, le 19 à Nevers (festival Tandem), le 25 au Havre, le 30 à Dijon, le 31 à Fontaine, le 25 avril à Nantes.
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