Pour la sortie de son dernier projet, « Deo Favente », le 5 mai prochain, on est allé à la rencontre de SCH. L’occasion d’échanger avec le Marseillais sur sa carrière dans le rap, Lacrim, son père ou encore Renaud.
Cuir noir sur le dos en mode Nino Brown, le gangster héros de New Jack City qui lui a inspiré un morceau, SCH s’affaisse dans son fauteuil. Son visage est marqué, il rentre du tournage de Poupées russes, le troisième morceau clipé qui devrait sortir « dans les prochains jours », annonce-t-il. Un verre de vodka-redbull plus tard – il est 15 heures lors de notre rencontre – les flammes se rallument dans les yeux du Marseillais au moment d’évoquer Deo Favente. On le compare à PNL pour son usage de l’auto-tune, à Black M pour son refrain chantonné sur J’attends, et le Marseillais grimace. Il est attaché à son propre univers, crade et sombre comme les cités d’Aubagne (13) où il a grandi. Mais l’auteur du viral Champs-Elysées a aussi à coeur d’ouvrir sa musique au plus grand nombre avec ce nouveau projet. Rencontre.
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Ton nouvel album s’appelle Deo Favente. Pourquoi ce titre ? Qu’est-ce que ça signifie ?
SCH – J’ai beaucoup d’amis maghrébins et pour eux ça pourrait se traduire par « Inch Allah ». Sinon tout simplement ça veut dire « par la faveur de Dieu » en latin. Je ne suis pas spécialement croyant, mais si mon album sort, c’est sûrement un peu parce que le Très-Haut l’a bien voulu.
Sur la pochette on te voit assis sur un trône, t’as de l’or qui dégouline comme du sang et tu tiens une couronne de lauriers dans tes mains… C’était quoi l’idée ?
La couronne de laurier c’est un clin d’oeil historique ; à l’époque [dans la Rome antique, ndlr], on donnait ces couronnes aux poètes. Bon je ne saurais pas te dire lesquels, je n’ai pas non plus une culture tah les oufs (rires).
Mais en même temps, je ne voulais pas la poser sur ma tête. Le fait de la tenir dans ma main, ça me détache du délire où je suis assis sur un pseudo trône, où je me place en numéro 1… Tout ça c’est débile, il n’y a pas de numéro 1, juste des mecs qui essayent de s’en sortir. L’idée de la pochette c’est juste de dire, et c’est pas de l’orgueil, que je suis un poète nouveau, que tous les rappeurs sont des poètes urbains.
Dans une interview, tu dis que A7 c’était la présentation et Anarchie la consécration. Deo Favente c’est quoi alors ?
C’est ni une suite ni un truc totalement différent. Sur A7 j’ai rassasié la demande de ma fan-base, c’est-à-dire les jeunes qui trainent dehors, les gens qui galèrent à joindre les deux bouts, la street. Sur Anarchie, j’ai voulu toucher un public plus large ; les papas et les mamans, ceux qui n’auraient a priori pas naturellement écouté du SCH. Avec Deo Favente, mon but c’est de faire un projet qui plait aux deux catégories.
Niveau production, on retrouve notamment DJ Kore (auteur de cinq instrus), déjà présent sur tes deux premiers projets. C’est important de travailler avec les mêmes personnes ?
En vrai, tout est une question de musique. Si demain un gamin de 13 ans me sort une instru qui est lourde et qu’il est sérieux dans son boulot, je lui donne autant de crédit que si c’était Kore. D’ailleurs sur cet album j’ai aussi rencontré de nouveaux producteurs : Drama State et Kezah. Ils m’ont fait des prods bien lourdes. On n’est pas dans un concours de beat, on est tous là pour l’amour de la musique.
Quelles sont tes productions préférées ?
Là je suis en pleine digestion du projet. Je me suis posé une restriction : ne pas écouter l’album trop vite. Je veux le savourer comme n’importe quel auditeur. Du coup je ne saurais pas trop te dire. (Il réfléchit). Sur Allez leur dire, j’ai essayé de nouveaux trucs et ça me plait bien. Et puis il y a La Nuit, ça c’est ce que j’aime et ça m’a permis de retrouver Guilty [de Katrina Squad, ndlr] qui n’était pas sur mon projet précédent. Mac 11 aussi ; elle est simple, pas surchargée en instruments, mais je la trouve vraiment efficace… De manière globale j’aime toutes les prods, quand j’en kick une c’est qu’elle me plait.
A ce jour, t’as sorti deux singles, Comme si et 6.45i. Les deux ont des ambiances très sombres, avec de grosses basses…
Ce sont des purs morceaux fan-base ! (rires) Sur ce projet je voulais revenir à mes fondamentaux : le ghetto et les instrus lourdes. Mais bon, il y a aussi des morceaux plus dansants. Le tout c’est d’avoir une bonne stratégie. Quand t’as mon univers, tu ne peux pas arriver seulement avec un son hyper pop, les gens ne comprendraient pas. Même Champs-Elysées, si je n’avais pas sorti tous les autres morceaux gangster sur A7, ça aurait peut-être été un tube du moment mais il serait rapidement passé à la trappe. Il faut ménager la chèvre et le chou, la fan-base et les autres auditeurs, pour que le public comprenne ta démarche.
C’est aussi un kiff perso de rapper sur différents types d’instru ?
Je considère qu’on n’a pas à se poser de barrières. On n’est plus retenu par ce vieux principe qui t’obligeait à faire du rap « dur » sur 17 titres. Il y a beaucoup plus de musicalité dans le rap maintenant. J’ai envie de toucher à tout, ça me plaît. Perso, je ne me vois pas faire que du rap fan-base pendant 30 ans. Je prends en maturité, j’essaye de m’épanouir. Mais au fond je serai toujours un peu le même, rappelle-toi (rires).
Dans Pas la paix, on retrouve plusieurs similitudes avec ce que fait PNL (auto-tune planant, ambiance mélancolique etc.). C’est fait exprès ?
Ce qu’ils font, ils le font très bien, les chiffres ne mentent pas. Il y a 3-4 ans, quand un pote suisse me les a faits découvrir, j’ai kiffé grave. Mais aujourd’hui je n’écoute pas vraiment ce que font les autres rappeurs français. Le danger c’est que si ça me plait, inconsciemment quand je vais écrire je sois tenter de reproduire la même chose. Et je ne veux surtout pas ressembler, c’est ma hantise. Pas la paix, je l’ai fait comme ça ; Kore m’a fait écouter l’instru avec ce piano. Elle est tellement blues, tellement nonchalante, elle a quelque chose. C’est ce qui m’a inspiré pour écrire le texte.
Lacrim est le seul invité sur l’album, tu voulais un projet plus perso ?
Déjà j’ai toujours fait très peu de featuring. A part Karim, qui est toujours dans mes projets. On a fait le morceau il y a trois semaines, vraiment juste avant la dead line. Karim, il travaille dans des circonstances de ouf, avec le bracelet et tout. Mais ça ne l’a pas empêché de faire disque de platine en trois semaines, c’est incroyable.
Force et Honneur certifié disque de Platine 🔥https://t.co/qAbxdA2ziV
Merci mes Chappas pic.twitter.com/YpaGLofBBv
— LACRIM (@Lacrim_Officiel) April 21, 2017
Après j’e n’ai pas invité d’autres personnes parce que l’occasion ne s’est pas présentée, c’est tout.
Anarchie, ton précédent projet, est sorti il y un an. Ca commence à faire un moment…
En fait on voulait le sortir un peu plus tôt, on avait déjà tout enregistré. Mais Karim est sorti de prison, et il avait besoin, musicalement et pour son bien-être, de sortir un projet dans la foulée. Nous on lui a dit « Ecoute frérot, on décale la sortie de notre Deo Favente, on se place après toi, vas-y sors ». Au final ce n’est pas plus mal, on a eu le temps de peaufiner le projet. Donc c’est pour cette raison qu’on sort un peu tard ; on aurait pu sortir plus tôt, mais comme on est une famille, on voulait que les choses soient bien faites.
Ce délai n’est donc pas lié à ton changement de label (SCH a quitté Dej Jam France pour rejoindre Capitol, tout deux étant des labels d’Universal) ? Comment ça s’est passé ?
C’est une histoire de contrat. Et puis moi j’avais aussi envie de voir ailleurs, de voir si c’est pas mieux dans les autres bureaux. Ca me fait gagner en expérience aussi, c’est toujours utile pour le futur.
Sur La Nuit, tu parles de ton père, c’est assez rare…
Les rapports père-fils sont compliqués. Je parlais peu avec mon père. J’ai voulu donné tout ce que j’avais de lui dans cette chanson et ça fait un bon morceau, très ouvert. J’ai écrit le son à travers mes yeux étant gosse. A l’époque mon père conduisait des gros camions, donc quand t’es petit c’est impressionnant. Mais quand tu grandis tu te rends comptes qu’il fait partie des gens qui se tuent pour rien, ou pas grand-chose. Tu te rends compte aussi que c’est la dureté de la vie qui veut que certains préfèrent boire plutôt que de penser à leurs problèmes. L’alcool ça peut être une carapace de défense pour oublier les galères du quotidien.
Quelle est ta relation avec ton père aujourd’hui ? Il écoute tes projets ?
Heu… (rires) Il est né en 1950, mon daron. C’est dur pour quelqu’un de sa génération d’écouter du rap. Même si j’ai mon oncle qui lui fait regarder les clips, mais bon… Sinon mon daron je le vois régulièrement, mais on a des rapports distants. Mais c’est mon père je l’aime très fort, et inversement.
Ton dernier morceau s’appelle Temps mort et est produit par Therapy, qui a travaillé avec Booba. T’as voulu faire un clin d’oeil à B2O ?
Carrément pas de clin d’oeil, c’est juste que dans le refrain je dis « temps mort » (rires). Si j’avais vraiment voulu en faire un, j’aurais appelé le morceau Panthéon parce que cet album… (il souffle). Enfin je respecte grandement sa carrière.
Dans les commentaires de Comme si, un internaute te compare à Renaud, ça te touche ?
Honnêtement c’est dur à porter parce que… (il souffle) T’as vu, c’est quelqu’un. Mais c’est archi-flatteur, ça me fait carrément plaisir. Je suis fier que des gens pensent ça. C’est malheureux ce que je vais te dire mais j’ai l’impression qu’il y a un certain public qui avalerait tout ce que tu peux leur donner à écouter. Y a des gens qui ne se soucient plus de l’écriture, des heures passées par l’artiste à écrire. C’est dommage et c’est pour ça que c’est un éclair de lumière quand tu vois que des gens ont dans la tête exactement ce que tu aimerais qu’ils relèvent.
Le 16 juin tu seras au Zénith pour le plus gros concert de ta tournée (avec le Dôme de Marseille), ça va être comment ?
Ca va être la guerre !
Faut-il s’attendre à un autre projet avant la fin 2017 ?
Ce n’est pas exclu. Je t’avoue qu’aujourd’hui, avec le studio au pied de mon lit, j’ai gagné en productivité. Donc ce n’est pas exclu, je n’en dirai pas plus (il sourit).
Propos receuillis par Maxime Gravier
Deo Favente, Capitol Music, 2017
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