Le trio de Norvégiennes Sassy 009 n’a pas qu’un nom chelou, il a aussi des morceaux formidables. Gros crush.
Par téléphone, depuis la Norvège, on les entend rire comme de petites chipies. Compliqué de mener une interview premier degré avec les trois lutines qui se cachent derrière le mystérieux pseudonyme Sassy 009. On se retrouve là, pendue au bout du fil, car Teodora, Sunniva et Johanna font partie de nos grands espoirs de Villette Sonique après un passage dans un autre festival défricheur culte : le Britannique The Grest Escape (et avant leurs passages au festival Field Day en juin et iceland Airwaves en novembre). Leur premier ep, Do You Mind ?, s’inscrit dans cette veine electro-pop actuelle infusée de house et d’esprit nineties, où les voix bourrées de réverbe et de brume s’invitent dans un club berlinois. Le rendu est magique, au premier sens du terme : on croirait entendre une fête mystique d’un nouveau genre, inspirée des afters d’afters cotonneuses, des house parties où les ecsta sont gobés au petit matin dans un état rêveur.
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Le caractère lunaire de leur musique atteint des sommets sur Are You Leaving, climax de l’EP sur lequel une flute trace sa route sinueuse. pas très loin du mythique Since I Left You des Avalanches, en beaucoup plus rudimentaire. Le trio y demande en boucle à une personne invisible : Are you leaving me now ? Un thème de la rupture amoureuse qui revient à plusieurs reprises, notamment sur Feel où elles chantent avec froideur, distance : “Promise me that you’ll leave me one day. »
Du voodo electronica
Mais impossible de creuser le mélange de rêverie romantique et de clubbing techno-house minimaliste avec les trois intéressées : elles ne font qu’exploser de rire, littéralement, renvoyant une image d’elles à laquelle on ne s’attendait pas tellement. Alors qu’on les imaginait en musiciennes électroniques perdues dans un abysse de premier degré, dissertant sur leurs sources d’inspiration norvégiennes, elles ne sont que blagues, fous rire et second degré. « On se marre sur un projet sérieux ! Nous glissons des blagues dans beaucoup de morceaux oui. C’est subtile. Comme quand on fait des vocalises sur Are You Leaving. Un jour, un journaliste radio nous a dit qu’on faisait du « voodoo electronica », ça nous va très bien ! » Et d’ajouter : « On était mortes de rire en enregistrant Pretty Baby par exemple. (elles prennent toutes une voix grave) « baby come and feeeel me » C’est un morceau accrocheur. On ne la pas pensé comme une parodie mais on a beaucoup ri en le faisant. » Elles disent se moquer des stéréotypes sur la soi-disant sensualité féminine par petites touches. « Vous êtes féministes ? » leur demande-t-on. Rires aux éclats. « Oui nous le sommes mais être féministe c’est savoir se moquer du féminisme aussi. »
Effectivement, Pretty Baby est le morceau le plus catchy de l’EP avec ses basses grondantes que percent leurs trois voix se faisant écho. C’est leur premier morceau, posté sur ce bel internet en 2017.
Teodora, Sunniva et Johanna se connaissaient depuis l’école où chacune touchait plus ou moins à la musique. Teodora jouait de la guitare avant de s’intéresser au jazz. « J’ai suivi des cours avec Jo. C’était très dur de jouer avec une partition c’est pourquoi on s’est mises à improviser ! (rires) ça nous a appris que je n’étais pas une bonne chanteuse de jazz mais aussi à communiquer avec notre propre langage, sans partition sous les yeux. Je n’avais pas l’habitude. » Joe est toujours inscrite dans une école de musique où elle suit des cours de flute afin, plus tard, d’enseigner à son tour. Sunniva, elle, a appris le violon, le piano et la flute mais a tout laissé tomber lorsqu’elle s’est mise à s’éclater en créant des arrangements musicaux sur ordinateur.
Un trio « de meilleures amies qui se marrent bien ensemble »
Un jour, un promoteur d’Oslo appelle Sunniva qui produisait déjà un peu de musique dans son coin et lui propose un concert. La jeune femme ne se voit pas du tout seule en live et appelle ses deux copines pour leur demander de l’accompagner. Ainsi nait leur projet musical, leur « groupe », mot qui les fait rire à chaque fois qu’on le prononce. Depuis elles s’y consacrent à 100%, sans plan sur la comète, comme un trio « de meilleures amies qui se marrent bien ensemble. » Elles résident toujours à Oslo, où elles ne se voient pas appartenir à une scène musicale en particulier, mais nous invitent chaudement à écouter la musique traditionnelle norvégienne. « C’est comme si quelqu’un jouait tout en haut d’une montagne dans un cadre magnifique. C’est à ça que ça ressemble ! » Okkkkkkay !
Sinon chacune a tout de même son album préféré, du moins le plus marquant. Teodora cite Confessions on a Dancefloor de Madonna. Sunniva opte pour Queen, « le groupe en général car mon père était fan et me passait leur musique en boucle ». Et Joanna parle du Buena Vista Social Club, que son père d’origine chilienne lui a fait découvrir. « Un jour je suis allée à Cuba et je ne faisais qu’écouter cette musique d’Amérique latine, du reggaeton, du merengue… Sinon j’adore aussi Abbey Road des Beatles. »
Quant au processus de création, là aussi le flou demeure. « Nous n’avons pas de recette préétablie » ajoutent-elles d’une même voix, « On jamme sur des beats, des mélodies jusqu’à trouver le bon truc. On ne fonctionne qu’en improvisation. Nos morceaux ne racontent pas d’histoires. Ils évoquent des sentiments en très peu de mots. » Le nom de leur groupe ne veut pas dire grand-chose non plus : il s’agit du nom d’utilisateur utilisé par Sunniva sur Soundcloud. « Enfin, tu peux raconter qu’il s’agit de la clé de notre musique, ou du Saint-Graal, ou bien du code pour trouver un endroit cool dans ce monde ! » ajoutent-elles en explosant de rire.
Leur musique nous fait penser à celle de Kelly Lee Owens, jeune Galloise protégée de Daniel Avery qui nous avait subjugué avec un premier album de musique électronique en 2017. Leur attitude, elle, rappelle plutôt un trio en pleine montée de space cake. « Peut-être qu’on devrait s’enregistrer en train de se parler ? » se demandent-elles avant que l’une d’elles répondent : « Ça s’appelle un podcast !!! » Nouvel hurlement de rire. On finit sur leur envie mordante de profiter de Paris : voir la Tour Eiffel – « On la voit et on s’en va ! « , de « boire du café dans des cafés et de fumer des cigarettes », de « respirer ce bon air parisien » et de « trouver l’inspiration. » Ce qui partait comme un léger coup de coeur printanier pourrait bien se transformer en crush estival.
Sassy 009 à Villette Sonique, samedi 26 mai.
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