Loin du fracas du monde, la Portugaise d’origine capverdienne Sara Tavares pose les fondations d’une chanson où tout n’est que calme et volupté.
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A l’autre bout du fil, la voix de Sara Tavares s’étire doucement, comme le ferait un chat au sortir d’une longue sieste au soleil. On est en plein mois d’août, et on imagine la chanteuse sur le balcon d’une maison de Lisbonne, baignant corps et âme dans la vive lumière de l’après-midi. “C’est un jour d’été comme je les aime, sans projet particulier, souffle- t-elle. En dehors de cet entretien, je compte bien ne rien faire. J’étais sans doute destinée à être une princesse : j’aime la douceur, la lenteur, l’absence de pression…”
Dans un monde où plus personne ne sait se valoriser autrement qu’en vantant sa force de travail, cet éloge assumé de l’indolence passerait presque pour de l’insolence. En l’entendant, on se rappelle que le Portugal est l’un des derniers pays européens où l’on peut voir des gens passer une journée entière assis sur une chaise, au seuil de leur domicile. Complices du temps qui passe, ils incarnent une race d’hommes en voie d’extinction : celle qui reconnaît la poésie de l’oisiveté. Sara Tavares confirme qu’elle appartient à cette belle engeance lorsqu’elle évoque ses difficultés à imposer son propre rythme face aux cadences dictées par le music business. “C’est un vrai combat. J’essaie de garder une relation intime avec mon art, je joue de la guitare tous les jours. Quand je suis en tournée, je n’ai pas assez de temps pour moi et mon instrument, ça me frustre. J’aime la scène, mais les obligations qui l’accompagnent sont parfois pesantes. J’ai du mal avec cette culture de l’urgence qui régit le monde d’aujourd’hui. Mon nouveau disque est comme un appel au calme…”
Au calme, mais aussi à la volupté : dans son quatrième album, Xinti, Sara Tavares accentue la sensualité d’une chanson lusophone qui balance harmonieusement entre pulsations capverdiennes, brésiliennes, folk et soul. Pour cette enfant d’immigrés, se trouver un langage cohérent n’a pas toujours été une partie de plaisir. Son disque précédent, Balancê, abordait de front les vicissitudes d’une existence qui, dans une société portugaise encore pétrie de préjugés, osait revendiquer son identité plurielle.
Ces questions ne sont plus au coeur des chansons dénouées de Xinti, qui traduisent le haut niveau de sérénité auquel la chanteuse a su se hisser. “J’ai dû régler ces problèmes d’identité pour progresser. Mais il était temps que je passe à autre chose. Aujourd’hui, je suis à l’aise dans le monde que j’ai créé : je sais comment le faire tourner, je connais mieux mes musiciens, mes compositions, mon horloge interne. Xinti est plus stable, plus simple aussi. J’ai allégé la production, pour que rien ne soit lourdement illustratif. C’est le chemin que j’ai toujours voulu suivre : aller de la complexité vers la simplicité.”
A ses partenaires réguliers, tous d’origine africaine, Sara Tavares a adjoint cette fois-ci quelques musiciens issus du jazz, qui, avec leur sens inné de l’espace et du silence, lui ont apporté la bouffée d’air frais à laquelle elle aspirait. “Grâce à eux, je chante de manière plus relâchée. A mes débuts, l’influence de la musique américaine, notamment de la soul, m’a conduite à être beaucoup plus dans la technique. Désormais, je fais en sorte que ma voix ne pèse pas sur les instruments.”
Dans les derniers instants de Xinti, la Portugaise pousse cette volonté de discrétion à l’extrême : Manso Manso est un instrumental de toute beauté, mêlant des volutes de guitare à la rumeur des rues de Lisbonne. Conclusion idéale d’un album qui, conformément aux désirs de son auteur, ramène la musique à son état premier : une libre respiration, un gracieux souffle de vie.
Xinti (World Connection/Pias)
Concerts : Le 17octobre à Paris (Café de la Danse), le 22 à Fouesnant
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