On dit qu’elle est fan de méditation, de yoga et des classiques de Kollywood. À l’écoute de son premier véritable album, “Santhosam”, l’artiste suisse est avant tout obsédée par le R&B, la pop, le UK garage et ces mélodies espiègles, délicieusement dansantes, qui empruntent autant aux grandes années de MTV qu’aux nuits londoniennes et à la culture tamoule.
Disons-le tout net : les quinze morceaux réunis sur Santhosam ne tiennent pas tous les promesses induites par l’écoute répétée de Easy. Il y a dans ce single, révélé aux prémices de l’été, trop de légèreté, trop d’intensité – avec tout ce que cela suppose de mouvements du bassin –, trop d’hédonisme et de sensualité trouble pour que ce qui arrive après suscite la même euphorie béate, trouve la même cohésion entre rigueur métronomique, gimmicks pop et refrains irrésistibles.
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On adhère… mais on décroche parfois
On est par exemple moins touché par Adalam Va! et Cornerstore, furieusement efficaces, mais peut-être plus ancrés dans une scène, dans une formule au sein de laquelle Priya Ragu peine à défendre son point de vue, à conserver cette malice, ce brassage pluriculturel, cette écriture qui, ailleurs, sent la liberté, l’insoumission et le plaisir pur.
La deuxième partie de Santhosam est en cela légèrement plus brouillonne, moins personnelle, moins redevable à ce son “raguwavy”, tel qu’elle le définit elle-même : ce son énergique, symbole d’une belle mixité, qui provoque tant d’enthousiasme depuis la sortie, en 2021, de sa première mixtape, Damnshestamil.
Un optimise néanmoins très bienvenu !
C’est heureusement là l’unique réserve possible au sujet d’un premier album collant sans être gluant, qui trouve de la finesse et du raffinement dans les mélodies ouvertement enjouées, qui fait tomber les inhibitions et réduit brillamment les écarts entre le studio, ce laboratoire de recherches dédié aux échanges culturels les plus fous, et la piste de danse.
Pour parvenir à un tel équilibre, fragile et complexe, Priya Ragu n’a pas cherché à s’établir au sein des métropoles occidentales. À New York ou Londres, où ce mélange de R&B, de UK garage et de rythmes dancehall semble avoir été cultivé, l’artiste suisse d’origine tamoule a préféré l’Inde, en quête de quiétude, de recul, de reconnexion avec soi-même.
Soudain, on repense alors au titre de l’album (“Santhosam” signifiant “bonheur” en tamoul), et l’on se dit que tout fait sens : il suffit en effet d’écouter School Me Like That, One Way Ticket ou Black Goose, autant portés par des refrains tape-à-l’œil que par une instrumentation à l’efficacité millimétrée, pour comprendre que Priya Ragu ne veut que du bien à notre époque.
Santhosam de Priya Ragu (Warner). Sortie le 20 octobre 2023.
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