Orchestrale et azimutée, la pop sans limites d’un groupe de Brooklyn qui fait du bien, Firmin. Critique et écoute.
Ceux qui, maniaques, cochent sur une pochette d’album les titres à absolument compiler dans leur bibliothèque iTunes et prennent des notes sur les titres les plus marquants vont se ruiner en stylos et Post-It. Car ici, au fur et à mesure que se révèle, se déploie cette pop infinie, chaque titre devient un préféré, une nécessité. Chacun convoque son cortège de références mais les assemble de manière tellement racée, hardie, qu’il importe finalement peu qu’apparaissent en précipité dans ce kaléidoscope aussi bien Sufjan Stevens que The Blue Nile, Dirty Projectors que The Divine Comedy.
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Car soupe-au-lait, débordant de la casserole à la moindre seconde d’inattention, cette pop symphonique peut sauter du corps à l’âme, de la danse au spleen, de l’euphorie à la gravité. C’est la beauté de cet album insaisissable, pour lequel a été inventée la fonction “replay” : offrir une gamme de sensations que tant d’autres groupes n’embrasseront jamais dans une carrière entière, sans se disperser, sans virer à l’exhibition de savoir-faire, sans trahir une atmosphère d’une puissance égale au taureau de la pochette, qui en ignore, pauvre bête, toutes les subtilités, la grâce, la grandeur.
Le nom des New- Yorkais de Brooklyn vient sans doute d’un endroit où on connaît deux ou trois choses sur les taureaux, justement : San Fermín, la légendaire fête basque de Pampelune chère à Hemingway. Une fête qui, à travers l’estruendo, célèbre, en fanfare dingue et extravagante, la musique : ce que fait ce premier album, à la richesse et à l’ampleur résumées dans ce titre au nom parfaitement choisi, Daedelus.
Ainsi avance cet album, propulsé par un yin et un yang qui font des galipettes, des cabrioles, en un mouvement qui empêche toute prise de pouvoir mais entretient au contraire une confusion délicieuse, une immense liberté formelle. Car si Ellis Ludwig-Leone a suivi de prestigieuses études de musicologie à Yale, sa musique, elle, s’épanouit aussi bien dans la profusion (Crueler Kind, Sonsick) que dans le dénuement, le recueillement (Lament for V.G., Methuselah) – elle a appris à désapprendre. Un autre titre, le premier, s’appelle Renaissance!, et il signifie que, dans la pop aussi, on s’approche peut-être de la sortie d’un interminable Moyen Age.
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